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rencontrés à peu près sur tous les points. Leur bois est propre à l’ébénisterie et à la charpente ; il est rouge comme la chair du cheval (de là son nom hollandais). Sa nature résineuse le met à l’abri de l’attaque des insectes : il ne pourrit pas en terre, ou du moins très lentement ; il sert à faire de bonnes traverses pour les voies ferrées. La Compagnie des chemins de fer de l’Ouest l’a utilisé pour cet usage. Mais sa gomme n’est l’objet d’aucune exploitation, dans notre colonie pénitentiaire.

Au contraire, la Guyane anglaise en tire un grand profit. Elle en produit environ une centaine de tonnes. La balata est estimée à la moitié environ de la valeur de la gutta ordinaire.

La production de la Guyane hollandaise est sensiblement équivalente : elle a atteint en 1896 le chiffre de 125 tonnes.

La gutta-balata ne constitue pas un isolant parfait ; mais elle présente une grande ténacité et une souplesse persistante. On en fait des cravaches, des courroies de transmission, des manches d’instrumens, et des moules pour la galvanoplastie.

Un autre succédané de la gutta est la gomme de Karité dont M. Heckel a, le premier, en 1887, signalé les qualités. Le Karité, ou Butyrospermum, est un bel arbre dont le port ressemble à celui de nos chênes. Il est commun dans le centre africain, dans les vallées du haut Niger et du Baoulé, dans l’Oubanghi et la Sangha ; il existe au Fouta-Djallon et dans l’hinterland du Dahomey. Les Soudanais aiment à abriter leurs cases sous son ombrage.

Il produit un fruit comestible qui ressemble à la prune ; et l’on extrait de sa graine une sorte de beurre très estimé au Soudan. Mais le Karité peut donner aussi une gomme qui, d’après MM. Heckel et Schlagdenhauffen, a la composition même de la guffa ; on l’appelle gutta-shea. Elle est très malléable dans l’eau chaude ; elle permet de fabriquer des moules qui ne sont pas inférieurs à ceux que l’on façonne avec la gutta ordinaire. Elle semble jouir d’une faculté d’isolement marquée au point de vue électrique. Il est donc possible qu’elle soit susceptible de remplacer la véritable gutta dans tous ses usages. Si ces observations préliminaires se confirment, c’est une importante ressource qui aura été créée pour le Soudan, et peut-être le plus sérieux élément de la prospérité de cette colonie.


A. DASTRE.