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forme de poire, analogues pour leur forme et leur usage aux poires à insufflation usitées aujourd’hui en médecine, et aussi des souliers et des bottes imperméables. L’arbre qui produisait cette substance était appelé Ievé ou Hhévé : il croissait, disait-on, en abondance dans la forêt des Emeraudes, qui fait aujourd’hui partie de la république de l’Equateur. Un ingénieur français, Fresneau, fixé à Cayenne, frappé des qualités précieuses de la gomme en question et des applications qui pouvaient en être faites pour imperméabiliser les toiles, se donna beaucoup de mal pour découvrir la plante qui en était l’origine. Il semble avoir réussi à trouver non pas l’Hhévé véritable, qui avait fourni le caoutchouc de La Condamine, mais un arbre voisin, le Manihot Glaziovii, le caoutchoutier de Céara.

Quant à l’arbre de La Condamine il n’a été connu botaniquement, décrit et nommé que plus tard, en 1702, par F. Aublet. C’est l’Hevea Brasiliensis ou caoutchoutier de Para. L’arbre est de grande taille, c’est une euphorbe gigantesque : le fût s’élève jusqu’à 20 et 25 mètres du sol ; il est nu, les branches du tronc étant caduques, sauf les plus hautes, qui forment au sommet une espèce de bouquet feuillu. Tel est le végétal qui fournit aujourd’hui plus de la moitié du caoutchouc utilisé dans le monde entier et celui dont la qualité est incomparablement supérieure à tous les autres. Si l’on joint à cette plante l’Hevé de la Guyane et le Manihot de Géara, on aura, avec ces trois euphorbiacées, à peu près toute la flore à caoutchouc du Brésil qui est le pays producteur, par excellence, de cette gomme précieuse. La récolte, en 1897, y a dépassé 22 000 tonnes.

Dans le reste de l’Amérique, la production est beaucoup moins considérable. Elle se restreint d’ailleurs aux régions centrales, Guayaquil, Nouvelle-Grenade, Equateur, Antilles, Nicaragua, Guatemala, Mexique. Et ce ne sont plus alors des euphorbiacées qui fournissent le caoutchouc, ce sont d’autres arbres également riches en suc laiteux, appartenant aux artocarpées, aux figuiers. Le plus important, de beaucoup, est le Castilloa elastica. Les Mexicains l’appellent l’Ulequathuitl ou arbre d’Ulé. Ils en ont fort anciennement extrait une gomme élastique, dont ils façonnaient différens objets, parmi lesquels Fernandez d’Oviedo, au XVIe siècle, cite les balles à-jouer.

Les usages du caoutchouc restèrent assez limités jusqu’en 1840, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’Américain N. Goodyear