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je ne l’ai été. Mais, la matière est si vaste qu’il est impossible de me résumer. Dites à Fauche de m’envoyer les fonds qu’il a promis tant pour Pichegru, qui les accepte et viendra les chercher chez moi, si possible, avant son départ, que pour d’autres qui composent mon petit conciliabule, qui s’accroît joliment et efficacement. » 10 mars : « Dites au bon Louis de se hâter pour les fonds nécessaires. Poinsinette voudrait partir dans six jours. » 16 mars : « Pichegru a dit en pleine table avant-hier qu’il irait à Paris, dire franchement aux sots gouvernans qu’il n’est pas possible de faire la guerre sans moyens et que, si son armée n’est pas payée en numéraire bientôt, il ne garantissait plus rien. Jugez si sa démarche est adroite. »

À peine est-il besoin d’observer que tout était mensonge dans ces propos, tout au moins pour ce qu’il est possible d’en vérifier. La garnison de Lauterbourg ne s’était pas révoltée. Pichegru n’avait pas demandé de congé. Sa démission, à cette date, était déjà donnée, et le fait, que Demougé l’ignorait prouve, contrairement à ce qu’il affirme, qu’il n’était pas en possession de la confiance du général. Il en était réduit au même désarroi que les autres agens, à la même incertitude, et, comme eux, il dissimulait son ignorance sous le mensonge. On ne saurait trop insister sur ce point, parce qu’on voit éclater ici dans son plein toute l’indélicatesse des émissaires de Condé, et surtout de Demougé, qui se prétend à cette heure plus qu’aucun d’eux en possession de la confiance de Pichegru.

À la fin de janvier, Fauche-Bond écrit à Condé qu’il a vu Wickham : « Il a été satisfait de ce que je lui ai dit des dispositions de Pichegru et surtout de la manière dont S. E. le Maréchal comte de Wurmser et Alvinzy les ont accueillies et de leur intention d’aider de leurs moyens les projets de l’homme qui doit rendre la paix et la tranquillité à l’Europe… Je vous invite par tout ce qu’il y a de plus sacré d’avoir confiance dans le succès de la chose. »

Le lendemain 30 janvier, Demougé confirme ces informations rassurantes. « Pichegru fait dire à César et au Bourgeois que, quoique l’esprit de la troupe soit tourné à la chose, il est impossible de calculer une époque fixe. Une chose surtout peut et doit la hâter : c’est si l’on ne paye pas bientôt la troupe en numéraire, et il n’y a pas apparence qu’on le puisse faire. »

Et le 27 février : « Badouville vient de me dire, de la part du