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l’armée de Sambre-et-Meuse et celle du général Clairfayt, je me crois obligé de convenir que, dans cet état de choses, vous ne devez pas rejeter les propositions du général Wurmser et que vous pouvez consentir à l’armistice qui vous est proposé, comme vous le dites, jusqu’à ce que le gouvernement ait été consulté, et sauf l’obligation de ne recommencer les hostilités qu’après avoir donné avis au général Wurmser de la décision qui aura été prise. »

Le Directoire, en apprenant la signature de la convention, exprima aux généraux des armées du Rhin le plus vif mécontentement. Tout en rendant justice aux intentions de Jourdan, il le blâma et commença par refuser sa ratification. Il ne céda qu’aux instances de Merlin de Thionville et de Rivaud. Ils durent défendre l’armistice et énumérer « les avantages considérables qu’en retireraient les deux armées. » Barras, dans ses Mémoires, mentionne à ce sujet qu’en annonçant au Directoire la suspension des hostilités, Pichegru allégua qu’il avait été contraint d’y souscrire par ce qui s’était fait à l’armée de Sambre-et-Meuse, tandis que Jourdan, de son côté, rejetait sur Pichegru la responsabilité de sa propre conduite. Pour l’honneur de Jourdan, nous aimons à penser que Barras a été trompé par sa mémoire, l’affirmation qu’il attribue au général en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse étant le contraire de la vérité, telle qu’elle résulte des documens que nous venons de citer. Ils établissent en effet que la responsabilité de l’armistice de décembre appartient tout entière à Jourdan, n’appartient qu’à lui, et que l’ignorance ou la mauvaise foi ont pu seules l’imputer à Pichegru. Il est d’ailleurs remarquable qu’à cette époque, la conclusion de l’armistice fut considérée à l’armée « comme un nouveau service rendu par Jourdan à la République, » et que les deux commandans des armées autrichiennes, Wurmser et Clairfayt, se reprochaient réciproquement l’initiative de cette suspension d’armes, à la suite de laquelle le second de ces généraux, preuve étant faite qu’il en était responsable, fut relevé de son commandement.

Nous voici arrivés au 31 décembre 1795, date officielle de l’armistice, et rien encore dans la conduite militaire de Pichegru, examinée à la lumière des documens officiels, n’a révélé des intentions criminelles. Malheureux à la guerre, il se peut que ses talens, incontestés jusque-là, ne se soient pas élevés à la hauteur des difficultés qui se dressaient devant lui ; il se peut aussi que