Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étendue, en prescrivant à Pichegru son passage sur le haut Rhin, et à Jourdan son passage sur le bas Rhin, au-dessus de Dusseldorf, sans faire concourir à ces opérations l’armée, du Nord. » Il est vrai qu’à la sollicitation de Jourdan, Moreau, qui commandait cette armée, envoya 10 000 hommes sur Dusseldorf. Mais, ces renforts, demandés trop tard, arrivèrent trop tard et ne purent être utilisés.

Il serait sans équité de rejeter sur le Directoire, qui n’était au pouvoir que depuis le 5 novembre, la responsabilité de « ces plans déplorables. » Ils sont l’œuvre du Comité de Salut public. Mais le Directoire eut le tort de se les approprier sans tenter de les améliorer. Aussi, lorsque, après la capitulation de Mannheim, il exprimait à Pichegru le regret « que l’armée de Rhin-et-Moselle, se mettant par son courage au-dessus des circonstances pénibles qui l’environnent, n’ait pu faire quelques efforts pour dégager cette place, » le général en chef avait-il beau jeu pour lui répondre :

« Il eut été imprudent, téméraire et peut-être criminel de ma part d’exposer une armée de trente et quelques mille hommes, dépourvue de tous les moyens principaux de la guerre, manquant de vêtemens, de chaussures et le plus souvent de subsistances, venant de faire une retraite pénible, après deux batailles des plus chaudes et des plus opiniâtres, de l’exposer, dis-je, en offensive devant un ennemi au moins triplement nombreux, abondamment pourvu de tous les moyens matériels et enhardi par ses succès ; et quel qu’eût été notre courage, ou plutôt notre acharnement, pouvions-nous raisonnablement espérer de le chasser de sa position, et de nous rapprocher de Mannheim sans le concours des forces de l’armée de Sambre-et-Meuse ou des renforts que j’invoquais depuis longtemps et qui, s’ils eussent pu être accordés dès mes premières demandes, seraient encore arrivés assez tôt ? Je dois à l’armée que j’ai l’honneur de commander de soutenir qu’elle a fait ce qui était humainement possible pour couvrir Mannheim, retarder et arrêter l’ennemi, qui marchait pour cerner cette place par la rive gauche du Rhin, et qu’elle n’a cédé qu’à l’immense supériorité du nombre, après lui avoir fait éprouver des pertes considérables et en avoir éprouvé elle-même. »

Ce qu’il disait au Directoire, Pichegru le répétait à Moreau : « Les renforts que tu as envoyés au général Jourdan l’ont