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a été réintégré dans son grade et dans son commandement. — Osera-t-on prétendre encore qu’il n’était pas digne ; d’être choisi pour défendre Mannheim ? N’est-il pas démontré que le choix de Pichegru fut irréprochable ? « Je lui ai donné l’ordre, écrit-il le 9 novembre au Directoire, de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Je vais le lui renouveler de la manière la plus expresse et je ne doute pas qu’il remplisse vos intentions, s’il est secondé par la garnison. Mais l’énergie des troupes est altérée et le commissaire ordonnateur assure ne pouvoir, faute de ressources, approvisionner pour plus d’un mois. »

Cinq jours plus tard, Pichegru mande à Jourdan : « Voilà Mannheim livré à ses propres forces. Si tu ne viens promptement tomber sur les derrières de l’ennemi, il m’est impossible de résister à des forces quadruples de celles que je peux employer. Presse donc ta marche sur la Nahe, et nous pourrons délivrer Mannheim, et peut-être forcer Penne mi à aller prendre ses quartiers d’hiver sur l’autre rive du Rhin. » Le 18 novembre, il adresse au Directoire un nouvel avertissement : « Je n’ai pas encore de nouvelles de l’armée de Sambre-et-Meuse. Mannheim brûle. Le commandant a ordre de ne se rendre qu’à la dernière extrémité. Mais les approvisionnemens sont courts, et il faut qu’on ne tarde pas à aller à son secours. » Déjà, depuis trois fois vingt-quatre heures, les bombes pleurent sur Mannheim. Sommé de se rendre, Montaigu a répondu qu’il se défendra.

Le lendemain, Pichegru reçoit enfin des nouvelles de Jourdan. Celui-ci expose les mouvemens qu’il a faits. « Ils étaient très propres à une diversion favorable pour nous, lui répond Pichegru. Malheureusement, ils ont été exécutés un peu trop tard, et tu as encore trop différé de me les annoncer. Si j’avais su le 19 brumaire au soir (9 novembre) que le général Marceau s’était battu ce jour-là sur Stromberg, quand j’aurais dû me faire échiner, j’aurais maintenu notre droite et notre centre sur la position de la Pfrimm, malgré que notre gauche eût été repoussée à environ deux lieues. Le lendemain. 20, l’ennemi, me voyant toujours en présence, n’aurait pu détacher ses dix-huit bataillons et trente escadrons, et bien sûrement, le général Marceau aurait pu, non seulement conserver ses avantages et rester sur la Nahe, mais même forcer le corps d’armée qui lui était opposé à rentrer dans Mayence, et celui qui était devant moi, ayant alors beaucoup à craindre pour ses derrières, se serait