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Autriche, une crise politique qui continue, ou, comme en Italie, une crise ministérielle qui commence, mais que nulle part encore on n’est arrivé à une solution.


L’Autriche, hélas ! en est plus éloignée que jamais. Comme il était facile de le prévoir, les élections qui viennent d’avoir lieu ont augmenté la confusion dans le Reichsrath, au lieu de la diminuer. C’est d’ailleurs ce qui arrive toujours, lorsque les élections ne sont pour un ministère qu’un moyen de durer quelques mois de plus, et tel était bien le cas en Autriche. Nous ne voulons pas dire par là que M. de Kœrber tienne beaucoup au pouvoir dans les conditions où il l’exerce : il se serait retiré sans doute très volontiers après avoir constaté son impuissance, si un aussi grand nombre de ses prédécesseurs ne l’avaient pas fait avant lui. Tout s’use, même le jeu de la démission. On a vu se succéder plusieurs ministères dont les uns inclinaient du côté des Tchèques et rencontraient l’obstruction des Allemands, et les autres inclinaient du côté des Allemands et rencontraient l’obstruction des Tchèques : la politique variait, mais le résultat était toujours le même. On ne pouvait pourtant pas continuer indéfiniment ces exercices de bascule. L’Empereur a jugé le moment venu de recourir au pays, et il a même annoncé à ce moment qu’il jouait sa dernière carte constitutionnelle. C’était un expédient désespéré. Par malheur, le mal était plus encore dans le pays que dans le Parlement, et on n’a pas tardé à s’en apercevoir. Il y a eu certaines modifications dans la composition du Reichsrath. Pour des motifs divers, les catholiques ont perdu quelques sièges dans les Alpes, et les antisémites à Vienne même. Mais, en vérité, tout cela n’a pas une importance bien considérable. Ce qui en a davantage, c’est l’élection dans tous les partis des députés les plus exaltés, et notamment des pangermanistes, qui étaient quatre dans la dernière Chambre et qui sont plus de vingt dans la nouvelle. M. Schœnerer aura désormais des soldats : son groupe prend la tournure d’un parti. Or, ce parti demande tout simplement l’union de l’Autriche à l’empire allemand, à l’exception de quelques parcelles trop exclusivement slaves. Il ne faut rien exagérer, et sans doute le danger n’est pas immédiat : mais il y a là un symptôme grave, aussi bien pour la politique extérieure de l’Autriche que pour sa politique intérieure. En attendant, le parti pangermaniste ne pourra qu’augmenter le désordre au Reichsrath. Il trouvera d’ailleurs à qui parler : on a pu s’en apercevoir dès la première séance. Les Tchèques sont revenus renforcés