Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/955

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

associations ordinaires, et qu’on prenne à leur égard certaines précautions, soit ; tous les gouvernemens l’ont fait, avec des moyens et des procédés différens suivant les époques ; et, s’il est absurde de vouloir user aujourd’hui des mêmes procédés et des mêmes moyens qu’autrefois, nous ne contestons pas qu’il ne faille en employer de plus conformes à l’esprit des temps nouveaux. Mais qu’on aille, pour plus de simplicité, jusqu’à la suppression pure et simple des congrégations et à la confiscation de leurs biens, c’est un excès contre lequel ne saurait s’élever une protestation trop vive. Or, le projet de loi ne fait pas autre chose. Atteindra-t-il son but ? Nous ne le croyons guère. Les moyens les plus violens ne sont pas toujours les plus efficaces. A exagérer sa force agressive, on s’expose quelquefois à ne montrer que sa faiblesse et son impuissance. Mais il s’agit pour le moment des intentions de la loi. Elles sont bien telles que nous les avons exposées : suppression, confiscation !

M. Ribot, dans le beau discours qu’il a prononcé en réponse à M. le président du Conseil, a posé la question à peu près comme nous le faisons nous-mêmes. Il n’a parlé ni en simple juriste, ni en philosophe, quoiqu’il soit assurément l’un et l’autre, mais en homme politique. La question que la Chambre agite en ce moment est, en effet, toute politique. Vouloir la résoudre, plus de cent ans après la Révolution française, avec les souvenirs, les traditions et les procédés de l’ancien régime ; évoquer les arrêts de nos vieux parlemens et faire revivre les ordonnances de nos anciens rois ; parler, avec M. Waldeck-Rousseau, de d’Aguesseau et même de Charlemagne, c’est faire, non pas de la politique, mais de l’archéologie. Il n’y a qu’une chose qui soit encore pire, c’est de vouloir, avec M. Viviani, imposer par la force une doctrine à la place d’une autre, et immoler la religion à la philosophie du jour. M. Ribot a rappelé fort à propos que nous étions au XXe siècle, et qu’il y a cent ans, nous avions fait avec Rome un traité qui s’appelle le Concordat. On remarque beaucoup ce qu’il n’y a pas dans ce traité, mais on ne regarde pas assez ce qui y est. Sans doute, le Concordat ne parle pas des congrégations religieuses, et nous avons déjà dit pourquoi : c’est parce qu’elles avaient été balayées par l’ouragan révolutionnaire, qu’il n’y en avait plus en 1802, et que le Premier Consul n’entendait pas les rétablir, ni les autoriser en vertu de son contrat avec le Saint-Siège. Il préférait, et avec raison, les laisser soumises aux lois générales du pays. La suite a prouvé d’ailleurs qu’il n’entendait pas les proscrire, puisqu’il en a, au contraire, autorisé un certain nombre. Pour revenir au Concordat, qu’est-il, avant tout,