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horrible, les suites déplorables du drame… Le premier système est celui du XVIIe siècle, le second est celui du XVIe siècle. » C’est dire que de ces deux types il y en a un à qui manque ce qui fait justement la tragédie. Car un événement n’est pas tragique parce qu’il est douloureux ; mais un événement douloureux devient tragique s’il nous est présenté d’une certaine façon. De ces deux systèmes, le second, qui n’enferme aucun élément d’action, est donc un système de poésie, non pas dramatique, mais lyrique. En fait les Jodelle, les Garnier, les Montchrétien, dont les œuvres contiennent de réelles beautés d’ordre tout lyrique, ne travaillaient pas en vue de la représentation, et leurs pièces, quand il leur arrivait d’être jouées, ne l’étaient que devant un public de collège : ils n’ont pas su dégager le drame du lyrisme. Le premier, Alexandre Hardy, poète aux gages d’une troupe de comédiens, travaille pour le public et introduit au théâtre l’élément indispensable à toute œuvre qui veut retenir l’esprit des spectateurs : l’action. A voir la liberté et la complexité des intrigues de ses pièces, on a cru longtemps qu’il avait dû s’inspirer du théâtre espagnol. Il n’en est rien. Hardy emprunte ses sujets à l’Italie ou aux historiens et aux poètes de l’antiquité. Parmi ses pièces, imprimées ou non, on n’en compte que sept dont les sujets soient empruntés à l’Espagne ; et ils sont tirés, non de la Comedia, mais de nouvelles espagnoles. La pastorale qui règne longtemps sur notre scène, et la tragi-comédie, qui la remplace, procèdent du roman et versent dans le théâtre la matière romanesque : enlèvemens, travestissemens, folies simulées, duels, reconnaissances. Mais ni la galanterie pastorale, ni la fantaisie des intrigues n’avaient à proprement parler de valeur dramatique. Ce qui manquait à notre théâtre, il l’a reçu, non d’un genre voisin, le roman, mais directement du théâtre. L’influence a été du même au même, et on le voit bien en Usant l’étude de M. Martinenche. À ce moment précis intervient la Comedia pour fournir à notre théâtre les véritables ressorts dramatiques.

Le premier est l’amour. L’amour à la gauloise ne se prête guère qu’à un récit malicieux ou à une farce grossière. L’amour à l’italienne n’est que la sensualité et le plaisir facile. L’amour tel qu’on le conçoit encore dans l’Espagne du XVIIe siècle enferme tout à la fois les élans les plus chevaleresques et les désirs les plus ardens. C’est la passion qui pour se satisfaire ne reculera devant rien. Elle rencontre devant elle une société où la femme est sévèrement gardée. De ces obstacles qui s’opposent à elle, naît la lutte. Ce ne sont dans la vie espagnole que sérénades et coups de couteau. La justice est impuissante à