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troupes permanentes vraiment professionnelles ? Il semble que les commissaires aient eu peur d’aborder cette étude : leur rapport est complètement muet à cet égard. Et ce n’est pas assurément qu’ils se jugent incompétens en matière militaire, car, pour la marine, où ils croient sans doute être mieux soutenus par l’opinion américaine, ils professent hautement qu’il conviendra d’entretenir aux Philippines une escadre permanente, avec des cuirassés et des croiseurs, « la distance et les délais nécessaires pour y envoyer des renforts en cas d’attaque d’une puissance étrangère montrant clairement l’utilité de rendre ; cette attaque improbable par la présence sur les lieux, de forces suffisantes ; » puis, cela dit, ils énumèrent avec soin les points de la côte à fortifier, les ports à aménager, les travaux à entreprendre.

Ils sont plus nets et très raisonnables dans l’examen de la question douanière. La constitution américaine exige l’unité douanière entre tous les États de la Confédération ; on a étendu jusqu’ici cette unité, par mesure de convenance, aux territoires organisés depuis un siècle, parce que tous ces territoires, sans la moindre exception, étaient contigus aux États de l’Union. Qu’adviendra-t-il des Philippines ? Le droit d’importation sur le riz est dix fois plus fort en Amérique qu’il ne l’est dans l’Archipel ; comme il s’agit ici d’un produit de grande consommation populaire, on serait certain de provoquer l’insurrection, à supposer qu’elle n’existât déjà, si l’on prétendait unifier les tarifs. Cet exemple est le plus saillant, mais il en est d’autres du même genre que l’on pourrait donner. La Commission se prononce catégoriquement contre l’assimilation douanière, tant que subsisteront les différences fondamentales qui séparent les conditions sociales et économiques des Philippines de celles des États-Unis. Au surplus, cette assimilation serait un mythe en ce moment, puisque le traité de Paris assure pour une période de dix ans aux produits espagnols le même traitement qu’aux américains. Et d’ailleurs, en vue de stimuler le commerce local, mieux vaudrait diminuer les droits que de les augmenter.

C’est affaire aux protectionnistes des États-Unis qui, on le sait trop, sont impérieux et puissans, de s’accommoder à ces théories nouvelles. On ne peut du moins méconnaître qu’elles tiennent compte des faits plus que des doctrines, et qu’à ce titre ; elles sont dignes de l’attention des hommes publics, d’autant que si l’on veut que les Philippins payent leurs propres dépenses,