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d’administration ; mais il faut ici proscrire l’étiquette, parce que, dit sagement le rapport, « dans l’expérience des Philippins, la colonie est une communauté politique dépendante, que le pouvoir souverain exploite et opprime. » Ni le mot de protectorat, ni les procédés administratifs que le protectorat suppose, ne sont non plus de circonstance : les Américains proclament, — ce qui serait d’une portée incalculable pour leurs propres institutions, si l’on voulait épiloguer, — que « la domination intérieure et la responsabilité extérieure doivent marcher de pair, » et que nul ne saurait être tenu pour comptable, au regard des tiers, des méfaits d’un juge ou d’un fonctionnaire, s’il n’a point sur ces derniers d’autorité effective ; de plus, le régime du protectorat a toujours reposé jusqu’ici sur l’existence d’un souverain local, communément, héréditaire, avant l’immixtion du protecteur, » et sur le maintien de ce souverain après cette immixtion. Or, l’on ne rencontre aux Philippines ni souveraineté d’aucune sorte, ni roi, ni prince héréditaire ou non.

Il y a bien, dans l’arsenal des combinaisons inventées par le génie britannique, des modèles que l’on pourrait copier plus ou moins servilement à l’usage des Philippins. Les colonies autonomes de l’Australie ou du Canada, par exemple, sont des nations aujourd’hui indépendantes, qui conservent les formes extérieures d’une dépendance autrefois réelle à l’égard de la mère patrie, avec laquelle elles se bornent désormais à vivre dans « une union de sentimens et d’intérêts contre le reste du monde. » Mais, — et ici la raison d’État parle pour une fois haut et clair, — « ce système ne saurait guère exister, comme le prouvent tristement les affaires de l’Afrique australe, là où ne prédomine pas le sang anglais. » D’autre part, les colonies possédant des institutions représentatives sans gouvernement responsable devant elles semblent une anomalie : quoique ce système renferme la promesse de l’autonomie, il ne donne pas les moyens de résoudre les conflits qui peuvent surgir entre les élus des colons et les représentans du pouvoir central. Enfin, quant aux colonies dites « de la Couronne, » où tous les pouvoirs sont aux mains des agens de Sa Majesté Britannique, où les conseils locaux sont composés en majorité de fonctionnaires métropolitains, elles procurent une excellente administration, mais le gouvernement y est imposé du dehors aux habitans ; il ne favorise pas l’éclosion de l’autonomie locale.