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législature locale ; celle-ci se compose de deux Chambres, jouissant de prérogatives analogues à celles des États de l’Union, mais avec quelques restrictions cependant, telles que l’interdiction de faire des concessions de terre ou de frapper d’impôts différentiels les propriétaires non résidens, et surtout sous la réserve dominante que le Congrès fédéral peut à tout moment se substituer à elles pour légiférer. Ainsi, exécutif et judiciaire dépendant du pouvoir fédéral ; législatif subordonné à l’agrément tacite du Congrès, qui a le droit de reprendre ce qu’il a donné ; enfin, point de représentans au Sénat fédéral ni à la Chambre, mais seulement, près de cette dernière, un délégué avec voix consultative, ayant le droit de parler, non celui de voter : les choses durent de cette manière jusqu’à ce que les États-Unis, rassurés sur la sagesse de leurs nouveaux concitoyens ou constatant le rapide peuplement du territoire, votent une loi autorisant celui-ci à se donner une constitution et à entrer dans l’Union sur un pied de complète égalité avec les États qui l’y ont précédé.

On ne peut méconnaître l’ingéniosité extrême de cette solution : l’Union, qui a été créée par des États et n’est que leur émanation, crée à son tour des États après leur avoir donné sa première empreinte et sans se préoccuper d’y assumer un rôle autre que le rôle limité auquel l’ont destinée les constituans de 1789. Il y a là un exemple peu commun de modération, que l’on pourrait recommander à d’autres pays plus proches de la France, qui se piquent de pratiquer les vrais principes de la politique fédérative. Ce système laisse cependant une porte assez largement ouverte à l’arbitraire. La mise en quarantaine de l’Utah pour motifs de moralité publique a duré jusqu’en 1896 ; celle du Nouveau-Mexique, à raison des suspicions qu’excite l’élément espagnol, n’a pas encore cessé, depuis 1850 ; la Louisiane n’a subi que neuf années le régime de la demi-ration, mais sans doute parce que la race anglo-saxonne s’est empressée d’y venir noyer la population française, car « nos nouveaux concitoyens, disait en 1803 Jefferson en parlant de celle-ci, sont aussi incapables que des enfans de se gouverner eux-mêmes, » — ce qui, on l’avouera, était, peu gracieux pour des hommes dont Napoléon avait si bénévolement et si inopinément confié les destinées aux Américains du Nord.

L’organisme du « territoire » est donc souple à souhait, et