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je vous dis l’inconvénient que j’y trouve. En conséquence, si, dans l’intervalle de votre réponse à cette lettre, il m’arrive, quelqu’un de votre part, pour cette mission, je la garderai, soit ici, soit à Basle, jusqu’à ce que j’aye reçu de vos nouvelles.

« Je crois aussi qu’il est essentiel que vous disiez à Fauche qu’il peut assurer Pichegru que, du jour qu’il aura éclaté, ses troupes seront payées sur le pied de mon armée. M. Crawfurd me l’a bien promis, mais cette condition, de toute importance pour le bien de la chose, ne saurait être trop constatée pour le succès et pour notre sûreté, après la jonction, si elle a lieu, comme on peut l’espérer.

« Je remets, Monsieur, cette grande affaire entre vos mains, elle dépend de vous à présent ; de sa réussite dépend le sort de la France, peut-être celui de l’Europe entière. L’année de Wurmser, délivrée de celle qui lui est opposée, marcherait en toute sûreté au secours de celle de Clayrfait, et l’Allemagne, menacée, serait sauvée sans aucun doute ; la Suisse se déclarerait peut-être, et cela changerait en huit jours, j’oserai le dire, la face du monde entier. Votre manière de voir, qui m’est connue, est trop grande et trop saine, pour me permettre d’ajouter aucune réflexion. La France et son Roi auront une obligation éternelle à l’Angleterre et à vous, et le parti que vous allez prendre va sans doute augmenter encore ma vive reconnaissance ! , ma profonde estime, ainsi que la sincère et confiante amitié que m’ont inspirée la noblesse de vos procédés, la sûreté de votre jugement et l’intime connaissance que j’ai été assez heureux pour faire avec vous. — LOUIS-JOSEPH DE BOURBON.

« P. -S. — Vous sentez combien il est nécessaire de garder le secret le plus absolu ; il me semble que vous pourriez dire, à vos plus intimes, que ces deux hommes sont venus pour parler du Jura.

« Je vous demande encore d’avoir l’air, vis-à-vis d’eux, d’apprendre la chose par cette lettre, ou par celle que vous avez reçue de M. Crawfurd il y a trois jours, pas plus toi, parce que, pour les engager encore plus au secret, je ne leur avais pas dit que je vous l’eusse confié dès le commencement de la négociation. »

Cette lettre partie donne lieu trois jours plus tard à un nouveau coup de théâtre. Montgaillard mande à Condé, le 20, qu’il a reçu un mot de Courant le suppliant d’arriver promptement à