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M. Crawfurd d’une manière qui ne lui livre pas tout le secret. »

Loin de trouver dans cette lettre des motifs de découragement le prince de Condé doit en être satisfait, car il écrit, le même jour, à Fauche-Borel : « Je suis enchanté que Baptiste (Pichegru) m’ait fait renouveler les assurances qu’il est bien dans mon sens et dans celui du grand bourgeois (le Roi) dont je suis et ne dois être que l’organe. Vous remettrez, à Baptiste la lettre ci-jointe qui lui fera une nouvelle preuve de ma confiance en lui. Mais, dans ma position, il est de toute importance que je puisse prévoir les époques pour m’arranger en conséquence. Suivez cette affaire avec le zèle que je vous connais. Tâchons d’amener la conclusion. Je me fie entièrement à vos instances auprès de Baptiste, à votre intelligence et à tous vos soins que je ferai certainement valoir avec autant de vérité que de chaleur. »

Mais, cette lettre n’étant accompagnée d’aucun envoi de fonds, Montgaillard, le même jour, 15 septembre, reproche au prince, dans une missive qu’il lui fait porter par Fenouillot, de n’avoir pas envoyé « ses ordres » pour ledit Courant, que Pichegru avait dit vouloir voir le même jour. C’est d’autant plus regrettable que Pichegru vient de passer avec ses officiers à Bâle, allant à Arlesheim. « Je ne doute pas que l’adjudant général Badouville n’ait cherché M. Courant à Bâle. » Pourquoi il l’a cherché, la suite de cette lettre le laisse deviner. « La chose est tellement avancée qu’il dépend de Votre Altesse de l’exécuter. Les instans sont précieux. Chaque heure qui s’écoule devient irréparable. Si l’on balance, si l’on diffère, si l’on tergiverse un moment, la chose est perdue sans ressources… Si Votre Altesse désire que nous fassions la chose, j’aurai l’honneur de lui observer que les fonds que M. de Montesson remit, il y a cinq semaines, à M. Fenouillot sont épuisés depuis longtemps par les courses si multipliées que nous avons faites, et j’ai employé tout ce que j’avais moi-même de ressources, ainsi que M. Fenouillot. » Voilà la question nettement posée ; c’est une question d’argent, ni plus ni moins.

Après avoir lu cette lettre, le prince de Condé répond à Fenouillot, qui la lui a remise, qu’il s’efforce à l’heure même de se procurer des fonds et qu’à cet effet, il vient de communiquer tout le plan aux commissaires anglais Wickham et Crawfurd, qui seuls peuvent le tirer de la triste situation à laquelle il est