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L’ENCYCLOPÉDIE.

de la seconde moitié du XVIIIe siècle qu’elle constate, qu’elle expose et qu’elle étale, comme si cela ne se rattachait à rien ou comme si ce qui l’a précédé ne l’avait pas amené et comptât pour rien. L’Encyclopédie n’aime pas à voir la suite des choses. Un grand destin commence ; c’est où elle tient son regard attaché ; un triste destin s’achève ; c’est d’où elle détourne volontiers les yeux. Comment donc avoir quelque considération pour ces dépôts de traditions qui sont les religions ; pour ces écoles de respect envers le passé qui sont les religions ; pour ces chaînes vivantes par quoi les générations se relient les unes aux autres et se sentent dépendantes les unes des autres qui sont les religions ?

M. Ducros remarque très justement dans l’Encyclopédie l’absence de toute exégèse. Rien de plus naturel. L’exégèse est aux livres sacrés ce que la critique des textes est aux « profanes. » Elle implique une dévotion éclairée, libre et active ; mais une dévotion. Si elle n’est pas la soumission, si elle n’est pas l’humilité, encore moins est-elle le dédain, et, étant l’attention scrupuleuse, elle est encore une forme du respect. Ce qui est conforme à l’esprit encyclopédique, c’est de combattre les religions par le raisonnement général, ou par le sarcasme plus ou moins couvert et oblique, ou par la considération des crimes commis sous prétexte de religion ; c’est de dire comme Diderot, à la fin d’un article très scientifique et très correct sur les Théosophes : «… Il y a encore quelques Théosophes parmi nous. Ce sont des gens à demi instruits, entêtés, à rapporter aux Saintes Écritures toute l’érudition ancienne et toute la philosophie nouvelle ; qui déshonorent la révélation par la stupide jalousie avec laquelle ils défendent ses droits ; qui rétrécissent autant qu’il est en eux l’empire de la raison dont ils nous interdiraient volontiers l’usage ; qui sont toujours prêts à attacher l’épithète d’hérésie, à toute hypothèse nouvelle ; qui réduiraient volontiers toute connaissance à celle de la religion et toute lecture à celle de l’Ancien et du Nouveau Testament, où ils voient tout ce qui n’y est pas et rien de ce qui y est ; qui ont pris en aversion la philosophie et les philosophes ; et qui réussiraient à éteindre parmi nous l’esprit de découvertes et de recherches et à nous replonger dans la barbarie, si le gouvernement les appuyait, comme ils le demandent. » — Et il est bien entendu qu’il n’est question ici que des Théosophes.