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employés pour l’incandescence se comportent comme des corps nouveaux, comme des combinaisons ou des alliages dont le pouvoir lumineux ne se déduit pas, par simple addition, des pouvoirs des élémens. Par exemple, un manchon composé de cérium pur ne fournit qu’une lumière légèrement rougeâtre, dont l’éclat ne dépasse point celui de 7 à 8 bougies ; le thorium pur ne produit qu’une lumière bleuâtre, encore plus faible, équivalente à 2 bougies, lundis que leur mélange dans le manchon Auer donne lieu à une incandescence éblouissante qui se chiffre par 70 à 80 bougies. De même, dans le procédé Ludwig Haitinger et dans celui de la Sunlight, le manchon à l’alumine seule engendre une lumière blanche et faible, et l’oxyde de chrome une lumière jaune encore plus pâle : employés simultanément, ces deux corps donnent naissance à un éclat lumineux très vif d’un ton chaud légèrement orangé.

Mais, que le mélange se comporte comme un corps nouveau dont le pouvoir émissif est sans relation avec ceux des composans, le mystère n’en subsiste pas moins. Pourquoi cet éclat lumineux considérable ?

C’est, a-t-on dit d’abord, le fait d’un pouvoir émissif très élevé. On sait que les différentes substances se distinguent les unes des autres à cet égard ; que les unes rayonnent facilement la chaleur qui leur est communiquée, et les autres difficilement. Mais ce n’est pas une différence de ce genre, — encore bien qu’elle ait, elle-même, besoin d’être expliquée, — qui distingue les différens corps incandescens. M. Bunte, professeur à l’Institut technique de Carlsruhe, s’en est assuré en mesurant comparativement, et à de très hautes températures, les pouvoirs émissifs du charbon, de la magnésie, des oxydes de cérium, de thorium et de l’alliage d’Auer. Les différences observées sont insignifiantes.

L’explication est ailleurs. Elle est dans le fait observé par Killing et que tout le monde peut vérifier. Si l’on éteint un bec Auer, et qu’après quelques instans, on rouvre le robinet de gaz, le bec se rallume. Cet effet est dû à l’oxyde de cérium seul : l’oxyde de thorium n’y est pour rien. C’est dire que, grâce à cet oxyde rare, la combustion du gaz, c’est-à-dire la combinaison de l’oxygène avec l’hydrogène, se fait à basse température. Et, en effet, Killing a constaté directement qu’au contact de l’oxyde de cérium, la combinaison du mélange tonnant oxygène-hydrogène se produit à 350°, tandis que, dans les conditions ordinaires, elle n’a lieu qu’à 650°. L’oxyde de cérium agit là comme la mousse de platine dans des circonstances analogues ; il exerce un