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un tissu de fils de platine très fins qu’il avait recouvert d’une pâte d’oxydes terreux. La ville de Narbonne avait été éclairée pendant quelques mois, en 1848, au moyen d’une flamme de gaz incolore, illuminant un cylindre de toile de platine. En 1849, Frankenstein, à Gratz, et Werner, à Leipzig, avaient imprégné d’une bouillie de chaux ou de magnésie des tissus légers, gazes et mousselines. Un brevet de 1862, au nom de Galafer et Villy, fait mention d’un cylindro-cône de tissu incombustible multipliant l’éclat de la flamme de gaz où on l’introduit. Clamond, en 1881. avait fait usage d’une corbeille de magnésie et de zircone. Popp, en 1882, préconisait un petit cône de fil de platine. La même année, un brevet de William Stocks, en Amérique, revendiquait l’usage d’étoffes légères, étamines et gazes, imprégnées de terres rares telles que la zircone[1].

Et, quant aux matériaux servant à revêtir ou à former ces manchons, on vient de voir la zircone apparaître dans les essais de William Stocks ; mais déjà elle avait été utilisée antérieurement, pour ses propriétés incandescentes, par l’Anglais Newton en 1802, par Tessié du Motay en 1868, parCaron en 1872, par Garcin en 1879. Au résumé, la plupart des terres rares employées dans les premiers manchons d’Auer étaient connues pour leur pouvoir d’illumination.

Dans le laboratoire d’Heidelberg où Auer avait fait ses premières armes, son maître Bunsen avait reconnu l’éclat de l’oxyde d’erbium, plus brillant encore que la zircone, et celui, presque égal, des terres yltriques. Enfin, les matériaux mêmes qui ont survécu définitivement, les seuls qui composent aujourd’hui les manchons de la deuxième manière d’Auer, n’avaient, eux non plus, rien d’inédit. Outre que Berzélius, déjà en 1825, avait signalé la puissance d’incandescence de l’oxyde de cérium, et Bergemann, en 1852. celle de l’oxyde de thorium, l’idée de les employer à l’éclairage avait été nettement formulée. Un brevet d’Edison, en 1878, revendiquait l’utilisation de l’oxyde de cérium employé concurremment avec celui de zirconium, pour revêtir une corbeille de fils de platine et fournir une lumière extrêmement brillante[2].

Il n’y avait donc qu’une part d’originalité presque insignifiante dans cette découverte industrielle qui devait avoir des conséquences économiques si importantes.

Le caractère en quelque sorte accessoire de l’invention des becs à incandescence explique les nombreuses contestations auxquelles son

  1. P. Dommer, l’Incandescence par le gaz et le pétrole, Tignol, Paris ; P. Truchot, l’Éclairage à incandescence par le gaz, Paris, Carré et Naud, 1899.
  2. P. Dommer, l’Incandescence par le gaz et le pétrole, Tignol, Paris ; P. Truchot, l’Éclairage à incandescence par le gaz, Paris, Carré et Naud, 1899.