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Le premier brevet d’Auer est daté du 4 novembre 1885. Le savant viennois se servait du bec Bunsen pour porter à l’incandescence une sorte de treillis cylindrique formé par les oxydes de lanthane, de zirconium, d’yttriuin et de thorium, diversement associés. La lumière ainsi obtenue était très brillante, mais froide, livide, rendue désagréable par un reflet verdâtre.

Plus tard, en 1892, ce défaut disparut. Une matière nouvelle remplaça les nombreux oxydes jusque-là préconisés : à savoir un mélange de deux d’entre eux seulement, les oxydes de thorium et de cérium. Les manchons actuels contiennent environ 99 pour 100 d’oxyde de thorium, et I pour 100 d’oxyde de cérium. L’éclat atteint, de cette manière, le maximum d’intensité et de fixité ; et, quoique la lumière soit blanche, son ton est plus chaud et plus agréable à l’œil ; elle est plus proche de la lumière solaire qu’aucun autre éclairage artificiel.

Quant à la manière de préparer cette espèce de carcasse à mailles étroites, elle est peut-être ce qu’il y a de plus particulier dans le procédé d’Auer et de plus spécial à ses divers brevets.

Et cependant, rien, au fond, n’est plus élémentaire. On se sert d’une trame de coton que l’on imprègne d’un délayage des minéraux rares et que l’on détruit ensuite par calcination et incinération, après qu’elle a servi de support et de moule au dépôt des oxydes métalliques. La matière minérale a si parfaitement remplacé la cellulose qu’au microscope même, le fil d’oxyde présente exactement la même structure que le fil de coton.


V

Rien n’est plus propre à montrer la différence entre une découverte industrielle et une découverte scientifique que l’histoire de cette invention, où il n’y eut, en définitive, rien autre chose de nouveau que la perfection du résultat et la simplicité de l’outillage.

L’outillage, comme nous l’avons vu, ne comprend que deux pièces : l’une destinée à fournir une haute température, c’est le bec Bunsen, bien connu ; l’autre destinée à s’illuminer par incandescence, c’est le manchon formé d’un treillis de terres rares. Si celle-ci n’avait pas encore pénétré dans l’usage courant, comme l’autre, il s’en faut, à la vérité, de bien peu.

En effet, l’idée d’un treillis coiffant la flamme avait été appliquée souvent et sous diverses formes. En 1839, Cruikshank avait employé