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Ces épisodes des luttes économiques, ces alternatives d’extension ou de décadence d’une grande industrie, réglées par des découvertes de laboratoire, sont très capables d’intéresser les esprits curieux.


I

Les anciens avaient l’huile, la cire et la résine. Les torches, flambeaux grossiers faits d’une corde tordue ou d’un bois inflammable enduits de cire ou de résine, figuraient dans les cérémonies funèbres, dans les fêtes des hyménées et dans les solennités religieuses ; elles étaient, chez les Grecs, les attributs des Furies. L’éclairage domestique utilisait l’huile dans des lampes d’une construction fort simple. Les Romains se servaient de baguettes de cire, chandelles, bougies ou cierges (cereï). L’usage en a existé de tout temps en Orient, et l’on croit que c’est par Venise qu’il s’est étendu ensuite en Europe, vers le VIIIe siècle. Les anciens n’ont point connu la chandelle de suif ; c’est une invention anglaise du XIIe siècle, qui semble n’avoir pénétré en France qu’au XIVe. C’est la seule acquisition que, pendant une longue série de siècles, la civilisation ait ajoutée au matériel d’éclairage des anciens.

L’éclairage public n’a pas existé avant la fin du XVIIe siècle. Les premières lanternes remontent, en France, à l’année 1667. Cent ans plus tard, l’addition d’un réflecteur en a fait des réverbères. Quant à l’outillage domestique, il est resté rudimentaire jusqu’au XIXe siècle. Le quinquet date de 1786 ; la lampe Carcel, de 1803 ; les lampes modérateur sont plus récentes encore.

Tous les progrès de l’éclairage appartiennent donc exclusivement aux cent dernières années. Ils ont dépassé tout ce que l’on pouvait attendre. « Il n’y aurait pas d’invention plus utile, disait Goethe, que celle d’une chandelle que l’on n’aurait pas besoin de moucher. » Le rêve du poète n’allait pas, comme on le voit, au-delà de la bougie : il a pu le voir réalisé avant sa mort.

L’invention de l’éclairage par le gaz date de 1801 : elle est due à Philippe Lebon, qui obtenait la substance gazeuse par la distillation de la houille, mais surtout du bois. En 1803, il éclairait, avec son appareil, qu’il appelait thermolampe, les appartemens et le jardin de l’hôtel Seignelay, situé rue Saint-Dominique à Paris. Mais le malheureux ingénieur n’eut pas le temps de parfaire son invention : l’année suivante, il mourait, assassiné mystérieusement dans les Champs-Elysées. Un Allemand, Winser, au courant du procédé de Lebon, s’associait