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opinion qu’il avait de mourir. » Opinion justifiée : Philippe mourut dans la huitaine.

Donc nos contemporains se sont recueillis, ils ont fait leur examen de conscience : exercice louable ; tous les guides de la vie intérieure le recommandent. Nos confrères de la presse, directeurs spirituels substitués par l’évolution des mœurs aux sermonnaires de jadis, ont résumé les enseignemens de la dernière centurie ; ils ont envisagé les problèmes de ; demain, Enigmatiques et redoutables, les sphinx qu’ils interrogent couvrent de leur ombre toutes les avenues du nouveau siècle. Le plus embrouillé de ces problèmes, et le plus vaste, car on y peut faire rentrer la plupart des autres, est certainement le conflit engagé entre le cosmopolitisme et le nationalisme. Comment les mêmes causes ont-elles produit deux effets aussi opposés ? Pourrons-nous tenir l’équilibre entre les deux forces divergentes de notre civilisation ? Lequel des deux principes l’emportera, dans cette Europe qui oscille entre leurs attractions contraires ? — Questions intéressantes : elles méritent d’occuper le philosophe, elles agréeront aux gens de loisir qui aiment discuter des sujets relevés, dans les parlemens et dans les cafés.

Prévenons le lecteur qu’il sera déçu, s’il cherche ici un retentissement des passions qu’on tisonne sur la place publique. Cosmopolitisme, nationalisme, nous ne prendrons point ces termes au sens restreint que leur donne le langage politique, quand il en fait des enseignes de parti, des injures faciles qu’on se renvoie d’un camp à l’autre. La politique, la plus inexacte des sciences, est une grande déformatrice des mots : elle ne se pique pas de les bien définir, elle cherche dans le vocabulaire des projectiles, et non des instrumens de précision. Essayons de nous hausser à la conception générale qui permet de ranger sous ces deux étiquettes, et, si je puis dire, de cristalliser autour de ces deux pôles toutes les tendances entre lesquelles se partagent nos contemporains.


I

J’imagine qu’il faudrait remonter jusqu’à la dissolution de l’Empire romain pour retrouver dans la vieille âme latine les troubles et les combats dont nous souffrons. Quand Rome reçut le choc en retour des masses humaines qu’elle avait amenées à la