Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin un autre souci d’art apparaît dans les sonnets de l’Olive, et c’est celui de la composition. On ne peut pas dire que l’Olive soit un « poème, » et elle est cependant quelque chose de plus qu’un « recueil de sonnets. ». Du Bellay n’a pas emprunté au hasard, mais une idée l’a guidé dans son choix. L’Olive est toute une histoire d’amour qui va, par tous les chemins d’une passion tour à tour heureuse ou contrariée, de la naissance de sa dame à la conversion de l’amant :


O Seigneur Dieu, qui pour l’humaine race
As été seul de ton père envoyé,
Guide les pas de ce cœur dévoyé,
L’acheminant au sentier de ta grâce !
Tu as premier du ciel ouvert la trace,
Par toi la mort a son dard estuyé,
Console donc cet esprit ennuyé,
Que la douleur de mes péchés embrasse.
Viens, et le bras de ton secours apporte
A ma raison, qui n’est pas assez forte ;
Viens éveiller ce mien esprit dormant ;
D’un nouveau feu brûle-moi jusqu’à l’âme,
Tant que l’ardeur de ta céleste flamme,
Fasse oublier de l’autre le tourment.


Ce n’est pas sans une évidente intention que le poète a placé ce sonnet tout à la fin de son recueil ; qu’il l’a fait suivre de trois ou quatre autres que l’on pourrait appeler également « <(chrétiens ; » et qu’il s’est servi de son « christianisme, » en vrai néo-platonicien, comme d’un passage à son « idéalisme. »


Dedans le clos des occultes idées,
Au grand troupeau des âmes immortelles
Le prévoyant a choisi les plus belles,
Pour être à lui par lui-même guidées…


Ce sonnet, moins connu, qui précède immédiatement le sonnet de l’Iidée, l’explique ou plutôt lui donne une valeur nouvelle. Et on ne le comprend pas mieux, ni autrement qu’on ne faisait, mais on s’avise alors du caractère « original » des emprunts de Du Bellay. Si l’originalité n’est pas dans le détail, elle est dans cet ordre ou dans cet arrangement dont il semble qu’en notre langue l’auteur de l’Olive ait l’un des premiers soupçonné le pouvoir. C’est bien un « monument » qu’il a voulu élever,