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le monde : donc ils s’en emparent. Mais, quoique les surfaces affichables puissent être évaluées à 300 000 mètres carrés, rien que dans Paris, les bons coins sont presque tous affermés. Les murs de l’Assistance publique lui rapportent 6 000 francs ; ceux de la Ville, — 14 700 mètres, — mis à prix pour 15 000 francs en 1884, sont répartis en quatre lots entre plusieurs adjudicataires. Ceux de la gare Saint-Lazare, plus appréciés, sont loués 20 000 francs par la compagnie de l’Ouest. Tantôt, sur de vastes espaces, mesurant jusqu’à 2 000 mètres carrés, sont brossées à l’huile des annonces géantes, à raison de 5 à 6 francs le mètre ; tantôt, des palissades de toile se détaillent en parcelles pour une période de trois ans, minimum nécessaire à l’amortissement des frais de peinture.

L’affiche-papier, livrée à elle-même, disparaît en deux heures, déchirée ou recouverte. Grâce aux agences qui garantissent sa conservation et se chargent de la remplacer, le commerçant sait exactement quels murs tapisseront ces feuilles fragiles, quel public les apercevra, espacées « en tirailleurs, » ou serrées « à l’américaine » par vingt ou trente sur le même point. Car le choix du quartier importe fort : pour le roman à grosses péripéties, où le tragique domine, quartier populeux ; quartier mondain pour un établissement de plaisir ; quartiers graves pour un ouvrage de science.

Dans les gares, les salles d’attente, les wagons, dans les omnibus et les bateaux, l’affiche s’est implantée ; elle est descendue sous terre avec le métropolitain, où elle couvre déjà 30 000 mètres de superficie ; elle délaisse un peu les rideaux de théâtre, parce que la vulgarité de certains voisinages a choqué, dit-on, les réclames de bonne compagnie et les a fait fuir. Elle trouve moyen aussi de se garder des intempéries de l’atmosphère, sans quitter la rue, en se montrant derrière le vitrage des kiosques à journaux et autres, de diverses nécessités. Elle s’y fait voir nuit et jour, grâce au papier « dioptrique, » sur lequel elle est imprimée, qui permet aux rayons du gaz de se réfracter en tous sens. Cet éclairage, payé par les concessionnaires 100 francs par an, dans chacun des 1 200 édicules de ce genre, est, pour la municipalité parisienne, un profit qui s’ajoute à plus d’un million de francs de redevances qu’elle perçoit de ce chef.

La publicité lumineuse n’est d’ailleurs qu’à son début, en France ; nous n’avons rien de semblable à ces lanternes magiques,