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Le pillage est à son comble et les officiers, plus malheureux encore que les soldats, n’ont ni force ni pouvoir. » Huit jours après, il y revient : « Un ennemi plus cruel que les Autrichiens nous assiège. La famine avec tous ses horribles entours a pris la place de la mendicité. »

Du reste, le mal est trop profond pour être promptement guéri. Dix-huit mois plus tard, en juillet 1797, Moreau, qui a pris, à la place de Pichegru, le commandement de Rhin-et-Moselle, ne pourra que répéter ce que disaient ses prédécesseurs. « L’armée est dans une détresse affreuse ; il lui est dû deux mois de solde. Je ne vous dissimule pas nos inquiétudes sur les suites d’une telle détresse. Je ne puis me lasser d’admirer la patience de celle armée qui soutire tout sans se-plaindre. Mais, si on ne vient promptement à son secours, il est à craindre qu’elle ne cède à l’instigation de beaucoup d’ennemis du gouvernement qui ne cessent de l’exciter à la sédition. »


III

Aux incessantes plaintes des conventionnels et des généraux, aux légitimes réclamations qui remplissent leurs lettres, que répond le Comité de Salut public, auteur responsable des misères qu’ils dépeignent en des couleurs si vives ? Que répondra le Directoire, lorsqu’il aura recueilli le triste héritage de la Convention et devra résoudre les innombrables difficultés qui lui ont été léguées ?

Le Comité de Salut public, lui, s’en tire par de belles phrases, par des proclamations pompeuses adressées à l’armée pour l’exhorter à remplir son devoir ; il trace des plans sans se préoccuper de savoir si le défaut de moyens ne les rend pas impraticables ; il donne des ordres, les révoque, irrite par ses prétentions à tout ordonner les représentans en mission ; il énerve le commandement par la multiplicité de ses conseils ; il fait, en un mot, la preuve éclatante des périls auxquels on expose une armée, quand on entend la diriger de loin, à cent lieues du théâtre de la guerre.

Un jour, il déclare qu’il ne faut pas hésiter à forcer, du côté de la Suisse, la ligne de neutralité ; le lendemain, il renonce à cette mesure, qui ne pourrait être exécutée qu’en violation des traités. En revanche, à ces effectifs déjà trop faibles pour