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Montgaillard dit Pinault, Fauche-Borel dit Louis, son compatriote Antoine Courant dit l’Insulaire, Badouville dit Coco, chef de brigade à la suite à l’armée de Rhin-et-Moselle, et enfin une femme, la baronne de Reich de Platz, née de Bœklin, dite Diogène, politicienne bavarde, maladive et sentimentale, possédée de la manie d’écrire, nièce du général de Klinglin, chargée par lui de centraliser celle active correspondance, d’unifier les efforts des agens et de les daire, concourir au succès que promettaient à la coalition les prétendus engagemens de Pichegru.

De leur aveu ou à leur insu, tous ces personnages, en même temps qu’ils travaillaient pour Condé, travaillaient aussi pour l’Angleterre et l’Autriche. Ils émargeaient directement ou indirectement aux fonds secrets de ces puissances, dont Wickham pour l’une et Klinglin pour l’autre étaient les distributeurs. Aux ressources qu’ils se procuraient ainsi ils en ajoutaient d’autres en trompant leurs mandans. On verra ultérieurement ce que devenaient les fonds versés par l’agent anglais Wickham (Bluet) à destination de Pichegru, quelles mains les arrêtaient en route, et comment Montgaillard, toujours aux expédiens, trouva un matin le moyen de grossir ses revenus en livrant ses complices au Directoire, après s’être fait promettre l’impunité pour prix de sa délation.

Dans le volumineux dossier de leurs lettres, à côté de comparses tels que le député Chambé (Ajax), le général Lajolais (Lajoie), ami de Pichegru, le major Tugnot (Philippe) et tant d’autres, figurent aussi divers généraux autrichiens qui combattaient contre la France : l’archiduc Charles qu’on désigne sous le nom d’Antoine ; Wurmser appelé César ; Clairfayt (le Sournois), Klinglin (Persée) ; de la Tour (Octave). Le prétendant Louis XVIII est également affublé d’un surnom : le Grand Bourgeois. Condé, c’est tantôt le Bourgeois, tantôt le Laurier. Moreau a été baptisé la Mariée. Ouant à Pichegru, il est tour à tour Baptiste, Poinsinet, Poinsinette, le Banquier ou encore l’Aimable Zéde.

Lorsque, aujourd’hui, si longtemps après ces événemens, on pénètre dans ce fatras, et dans la volumineuse procédure à laquelle il donna lieu, l’esprit libre, uniquement animé du désir d’en faire jaillir la vérité, on reste confondu, tant sont inconsistantes et fragiles les preuves qu’on en tira contre Pichegru. Comme dans la relation de Montgaillard et comme dans les Mémoires de Fauche-Borel, publiés ultérieurement, le mensonge,