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d’inconsistant et de successif. M. le président du Conseil a donné depuis quelque temps de si nombreux exemples de cette mobilité qu’il est inutile d’y insister davantage ; mais, quand on l’écoute, on peut s’y laisser prendre. Peut-être est-il le premier à s’y tromper ; il s’auto-suggestionne en parlant ; et c’est l’explication la meilleure, aussi bien que la plus indulgente, que l’on puisse donner de ses évolutions déconcertantes. Il n’est d’ailleurs pas un sectaire, loin de là ! il est un indifférent. Peut-être manque-t-il de mémoire, mais il n’en a que plus d’aisance à se mouvoir dans le moment présent. Il possède l’à-propos des circonstances, et les fait servir à la thèse qu’elles l’ont amené à adopter provisoirement et à soutenir. Par-dessus tout, artiste et tacticien parlementaire consommé : il faut un certain temps pour s’apercevoir que ce qu’il vous a dit n’est pas ou n’est plus la vérité.

Le Pape s’en est aperçu ; d’autres, dans des ordres d’idées différens, s’en apercevront après lui. Mais, pour ne pas sortir de notre sujet, il n’est pas impossible que M. Waldeck-Rousseau soit, de toute la République, un des hommes qui tiennent le moins à la loi sur les associations, qu’il a présentée. Il en avait présenté une autre à peu près identique en 1882, après être tombé du pouvoir, et, pendant dix-huit ans, il ne s’en est plus soucié le moins du monde. Il est revenu au pouvoir pendant deux ans, il l’a quitté, il a même quitté la vie politique, il y est rentré, sans paraître même se souvenir qu’il avait été autrefois l’auteur d’une loi sur cette matière. Tout d’un coup il se l’est rappelé, et il a fait avec nonchalance une nouvelle rédaction de son vieux projet, non pas qu’il y tînt plus qu’autrefois, mais parce que ses amis du moment voulaient qu’il fit quelque chose, sans savoir au juste quoi. Il a pensé peut-être que son projet de loi n’aurait pas beaucoup plus d’importance à la seconde édition qu’à la première, et il a pu le dire, ou le laisser entendre à Rome, sans cesser d’être sincère. Mais les choses ont tourné autrement qu’il ne l’avait cru. D’abord, son ministère a duré au-delà de ses propres prévisions ; ensuite, les exigences de sa clientèle sont devenues de plus en plus impérieuses. La première fois qu’il avait déposé un projet sur les associations, il avait eu la sage précaution de ne le faire qu’après être tombé du pouvoir ; cette fois, au contraire, il a eu l’imprudence de le déposer pendant qu’il y était encore. Et il y est toujours ; ses amis ne veulent pas le lâcher ; son gouvernement s’éternise ; les échéances, qui paraissaient d’abord si lointaines, sont enfin arrivées. Bon gré, mal gré, M. Waldeck-Rousseau est le prisonnier de ses engagemens. Il est obligé de ramer sur la galère où il s’est embarqué, et de cingler vers