Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des dominions recueillis et compulsés avec soin, la fortune immobilière possédée par les associations religieuses non autorisées peut être évaluée aux environs de trois à quatre cents millions. Quatre cents millions ! Mais cela est inférieur à un certain nombre de fortunes privées heureusement conduites ! Cela fait vivre des milliers d’associés, cela secourt, par centaines de mille, de pauvres gens, tandis que cela suffit, a peine à dorer certaines existences, entretenir la somptuosité des palais, garnir leurs cheminées, et l’on crie ! Quatre cents millions ! quand la fortune immobilière de la France est peut-être de deux cents milliards : Quatre cents millions ! Cela va suffire pour troubler, endormir, acheter les consciences de quarante millions d’hommes, pour nous faire sombrer demain dans le cagotisme ! Qui ne voit, si les choses continuent d’aller comme elles vont, d’ici peu un froc à la tête de la République ?

Et remarquez que, d’après un procédé devenu classique dans un certain monde, on procède par bloc : on raisonne comme si les quatre cents millions, l’entière fortune des congrégations, étaient dans une seule main et à la disposition d’une seule volonté, tandis qu’ils sont répartis entre un nombre extrêmement considérable d’établissemens, de sorte qu’ils ne représentent pour certains d’entre eux que d’insuffisantes ressources. Que si l’on voulait prétendre que cette division de la fortune congréganiste n’est qu’apparente, qu’en réalité tout se meut sous l’impulsion d’une même pensée, d’une même direction, on serait aussi loin que possible de la vérité. Là, comme ailleurs, j’allais presque dire plus qu’ailleurs, chacun pour soi ; les ressources acquises sont ressources de l’ordre, rien que de l’ordre, ressources de l’établissement, rien que de l’établissement ; on n’aide pas le voisin, ou ne prête pas au voisin, fût-il une bonne sœur ou un bon père. Caisse de dominicain n’est que caisse de dominicain, non caisse de jésuite ou de capucin. Et alors, qu’est-ce que cette pauvre puissance de quatre cents millions de la fortune mobilière et immobilière des congrégations ? Cela s’en va en poussière ; cela, comme action générale, devient misérable et nul. D’autant plus misérable et d’autant plus nul que la plus grande partie, et de beaucoup, des immeubles possédés par les associations religieuses appartiennent aux communautés de femmes, qui n’ont jamais fait et ne feront jamais que de pauvres et peu redoutables conjurés. Derrière ces grands mots : puissance financière, richesse