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Page 18 : « C’est leur puissance financière, leur richesse mobilière et immobilière, qui se développe au point d’avoir triplé depuis trente ans et de constituer plus ouvertement que jamais un péril économique et social sur lequel personne n’a le droit de fermer les yeux. »

Page 23 : « En 1880, les statistiques officielles estimaient à une centaine de millions les biens immeubles possédés par les congrégations non autorisées ; une évaluation nouvelle est commencée, et il n’est personne qui ne puisse se rendre compte par son propre examen de l’énorme développement de richesses que cette évaluation devra constater. »

Le reproche ainsi formulé est-il justifié ? et d’abord, qu’est-ce exactement que les biens de mainmorte ?

Ce sont ceux qui, étant inaliénables, sont ainsi sortis de la circulation et n’y peuvent rentrer que par l’accomplissement de formalités déterminées. Inaliénables par le fait de la loi qui défend de les vendre, de les échanger, de les dénaturer. Ont ce caractère les immeubles dépendant du domaine public, soit de l’Etat, soit des départemens, soit des communes, et aussi ceux appartenant aux établissemens reconnus comme d’utilité publique et, par suite, mis en tutelle, ce qui comprend les congrégations autorisées. « Les immeubles ou rentes appartenant à un établissement ecclésiastique (reconnu par la loi) seront possédés à perpétuité, par ledit établissement et seront inaliénables, à moins que l’aliénation n’en soit autorisée par le roi. » (Loi du 2 janvier 1817, art. 3.) Cette portion des biens immobiliers possédés par les congrégations religieuses ne représente qu’une fraction relativement minime.

Quant aux biens immobiliers, de beaucoup les plus considérables, possédés par les congrégations non autorisées, rentrent-ils donc dans la véritable mainmorte ? Nullement. Ils ne sont pas inaliénables ; propriété de sociétés civiles, ils sont, en réalité, dans le commerce, dès lors qu’ils peuvent être vendus, échangés, sans que soit accomplie aucune formalité autre que celle nécessitée par les ventes ou échanges entre particuliers ; la circulation de ces immeubles est sans doute moindre que celle de bâtimens ou terres composant les fortunes privées, mais elle a cependant lieu dans des conditions qui ne permettent pas de les classer parmi les biens de mainmorte. De plus, ces biens peuvent être très valablement frappés, et ils sont, pour un grand nombre, frappés