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peut-être des nuances ; entre la République qui respecte les croyances et celle qui les persécute, entre celle qui donne vraiment la liberté et celle qui opprime, celle qui unit et celle qui divise, est-ce qu’on n’a pas le droit de choisir ? Le droit de demander quel crime on a commis, lorsqu’on est demeuré respectueux des institutions de ; son pays, qu’on ne fait rien, qu’on n’a jamais rien fait pour les détruire ?

— Ceci, objectera-t-on, c’est l’action publique, celle qu’on montre, mais il y a l’occulte qui contredit l’autre, et l’occulte, c’est la vraie.

— D’abord, l’occulte est généralement celle qu’on ne voit pas : comment alors peut-on dire et affirmer ce qu’elle est ? Pur procès de tendance. Ensuite, si, du moment où une association est soupçonnée de faire de la politique occulte, il y a lieu de la proscrire, cela peut devenir dangereux, même pour d’autres que pour les congrégations religieuses ; peut-être pas aujourd’hui, mais peut-être demain, qu’on ne connaît guère, peut-être après-demain, qu’on ne connaît pas du tout.

La seconde raison qui rend nulle l’action politique des congrégations, c’est, — et ceci semble péremptoire, — que notre état social ne la comporte pas. Une action politique ne peut s’exercer utilement et de manière à devenir un danger pour les institutions qu’autant qu’elle a un but déterminé ; or, je voudrais bien savoir quel est le but politique déterminé des congrégations ; elles seraient, je crois, bien embarrassées de le dire elles-mêmes, si on le leur demandait, et qu’elles pussent franchement répondre. Un but moral, un but religieux ? Oui ; un but politique, voulant, comme forme de gouvernement, substituer autre chose à ce qui existe ? Non. J’ajoute que, le voulussent-elles, elles se verraient réduites à une ridicule impuissance par les conditions sociales dans lesquelles nous vivons. Nous sommes saisis par les étreintes d’une telle publicité ; nos intérêts, nos sentimens, nos actions sont fouillés d’une si implacable façon ; tout est discuté, débattu avec une telle passion et de telles ardeurs que, vraiment, nous vivons sur biplace publique ; que la chaire, le confessionnal, — ce grand spectre d’autrefois auquel on a arraché son suaire, — sont devenus bien insuffisant pour conduire et gouverner lame du peuple. Ils peuvent encore faire îles croyans, en remplir les églises, ils ne peuvent pas en faire des masses populaires qu’on envoie aux urnes et qui en restent maîtresses.