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s’en seraient-ils préoccupés et en auraient-ils parlé ? Aussi n’en parlent-ils point et ne disposent-ils que relativement aux établissemens dépendant des évêques et pouvant être créés par eux ; or, telle n’était point la situation des établissemens monastiques ayant leur vie et leur hiérarchie propre et ne dépendant que très faiblement, trop faiblement, des évêques.

Enfin, la troisième raison, qui semble décisive, c’est qu’au lendemain du Concordat, certaines congrégations d’hommes et de femmes s’étaient rétablies, et que non seulement on n’a pas lancé sur elles les foudres de la loi du 18 août 1792, ni de la loi de germinal, mais qu’on les a reconnues ! On peut citer, notamment, l’association des Sœurs de la Doctrine chrétienne, autorisée par les décrets du 28 prairial au XI et du 11 thermidor an XII : la congrégation de la Mission de Saint-Lazare, reconnue par décret du 7 prairial an XII. Quoi ! la loi si vite délaissée et contredite ; on défait le lendemain ce qu’on a fait la veille ; les articles organiques viennent de confirmer la suppression des congrégations ; et voici qu’à ces congrégations on donne une existence légale avec tous les bénéfices de la personnalité civile ! Au vrai, cela veut dire que, d’une part, les articles organiques n’ont rien statué en ce qui concerne les congrégations, et que, d’autre part, on répudie la loi du 18 août 1792. Il est donc établi qu’il faut écarter du débat l’article 2 de la, loi du 18 germinal an X.

J’en dis autant du décret de messidor an XII, qui, né d’un mouvement de colère comme en éprouvait le maître absolu que venait de se donner la France, est vite tombé en désuétude, et n’a pas été appliqué par l’Empire lui-même. Une association connue sous le nom de Pères de la foi, d’Adorateurs de Jésus ou Pacanaristes, avait mécontenté et déplu ; dissolution, ordre aux associés de se rendre au plus vite dans leurs diocèses pour y vivre sous la juridiction de l’ordinaire, et, comme, à cette heure, on ne procédait point par les demi-mesures, défense à toute agrégation d’hommes ou de femmes de se former sans y être autorisée par un décret impérial. Cela fait, le décret de messidor an XII n’a jamais plus été invoqué jusqu’au jour où il est venu, en compagnie de la loi du 18 août 1792, former « les lois existantes » en vertu desquelles on a jeté îles citoyens hors de leurs demeures ; singulier assemblage de monumens législatifs, nés, l’un, dans la période la plus tristement révolutionnaire, l’autre, dans la période la plus tristement absolutiste, invoqués par un gouvernement se disant