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un rôle subordonné, pour être entravée dans l’action qu’elle doit exercer sur les consciences.

Ces doctrines-là ne sont pas nouvelles et ce n’est pas à la République qu’en revient l’honneur ; bien longtemps avant elle, on les trouve ayant cours dans notre vieux monde français ; ce qui revient à la République, c’est d’avoir voulu placer la société religieuse sous la domination de la société civile, et cela par les plus odieuses violences. — Prêtre, moine, soumets-toi, déshonore-toi ou meurs !

Aujourd’hui, nous nous contentons de dire : — Prêtre, demeure dans ton église, dans la grande famille qui t’a été confiée ; tu y trouveras de quoi donner aliment à tous les efforts de ton esprit, à toutes les émotions de ton cœur, à tous les dévouemens de la charité. Moine, reste en ton couvent pour y soutenir les âmes faibles, y confirmer les âmes fortes, pour y redresser les âmes tombées ; et, si tu en sors, que ce soit pour prêcher la parole de Dieu, secourir les petits, les humbles, les meurtris, les misérables, fût-ce aux dépens de ta vie. Mais ne prends pas part à nos querelles intestines ; laisse-nous nos luttes de chaque jour, nos tristes luttes ; elles ne sont pas faites pour toi et tu n’es pas fait pour elles. — Ne suis-je donc pas citoyen comme les autres ? — Non ; les autres n’ont pas le pouvoir de lier et de dédier ; ils ne portent pas comme loi la marque sacrée ; cette marque, ne va pas la compromettre dans nos dissensions, reste homme de prière et de dévouement, si tu veux rester homme de véritable action chrétienne, celui que le respect même des ennemis entoure et soutient.

Il n’est pas besoin, non plus, d’être un pur républicain pour s’inquiéter du développement excessif que pourraient prendre les fortunes immobilières des congrégations, de l’extension démesurée de ce qu’on appelle les biens de mainmorte. Ici, vraiment, une science juridique bien profonde n’est point nécessaire pour connaître les préoccupations qui, à cet égard, ont été, de tout temps, celles de la société civile. Vouloir les nier serait ignorance ou mauvaise foi ; vouloir s’isoler de ce courant ou le remonter serait sottise et peine perdue. Oui, permettre aux congrégations d’accroître, à leur gré, leur fortune mobilière ou immobilière serait un danger ; procéder, par exemple, comme l’avait fait l’honorable M. Bertauld en 1872, c’est-à-dire, sur une simple déclaration, donner à une association la personnalité civile