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de se préoccuper du but poursuivi par l’association, qu’on s’arrête à la forme, aux conditions, pour ainsi parler, extérieures ? Mais, si le but poursuivi est bon, la forme de l’association est d’autant meilleure qu’elle, permettra de l’atteindre plus complètement et plus vile. Il est vrai qu’à l’inverse, si le but est mauvais, la forme, avec ses effets intensifs, deviendra détestable ; mais la conséquence sera toujours que c’est le but qu’il faut voir, lui qu’il faut scruter, parce que c’est lui, et lui seul, qui peut permettre d’apporter des restrictions, des entraves au droit naturel et primordial d’association. Or, encore une fois, pourquoi laisse-t-on de côté l’objet de l’association ? Ne serait-ce point que, si l’on se plaçait bien en face, si on le soumettait à un examen fait dans des conditions d’impartiale justice, on se trouverait mal à l’aise pour justifier des mesures destinées à porter la mort là où la vie est aujourd’hui dans sa plénitude ?

Les associations religieuses prient : — apparemment ce n’est pas un crime.

Elles chantent, jour et nuit, les louanges de Dieu : — il ne semble point que cela soit subversif.

Elles enseignent : — si elles enseignent mal, tant pis pour elles, leurs maisons resteront vides ; si elles enseignent des choses mauvaises, contraires aux lois, l’autorité publique est là pour les en empêcher et fermer leurs écoles. Mais l’autorité publique n’a rien pu fermer et elles ont la confiance des familles, qui leur amènent en grand nombre leur enfans ; c’est peut-être là une grave faute, mais elle est, en tout cas, de celles qu’on n’avoue pas et qui n’autorisent rien.

Les associations religieuses offrent un asile aux âmes blessées, meurtries : — prétendrait-on qu’il n’en existe plus dans ce monde ?

Elles étudient, fouillent les vieux livres, écrivent, publient le résultat de leurs recherches : — depuis quand la science ne serait-elle plus chez nous en honneur ?

Elles prêchent la foi dans le Christ ; elles apprennent que cette légende, qui a, dit-on, bercé notre enfance, est la réalité qui doit guider notre vie, la suprême espérance qui doit enlèvera notre mort les affres et les grandes angoisses de l’au-delà : — voudrait-on fermer la bouche à ces apôtres de la justice et de la charité, comme on la ferme à des charlatans qui trompent et démoralisent le peuple ?