Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne comprend pas aisément, au premier abord, comment les deux branches de commerce ont pu suivre une marche aussi différente, l’une restant stationnaire et l’autre augmentant de plus de 60 pour 100. On en trouve l’explication dans l’accroissement des placemens de capitaux à l’étranger, qui fournissent aux Anglais des revenus de plus en plus considérables, au moyen desquels ils soldent l’excès croissant de leurs importations sur leurs exportations. Le total des seules dettes indienne et coloniales, dont les titres sont presque exclusivement aux mains de capitalistes anglais, dépasse aujourd’hui 16 milliards de francs, alors qu’il n’en atteignait pas 4 en 1865 : les revenus de ces capitaux servent à payer les marchandises expédiées de ces pays à la métropole, envers laquelle ils s’acquittent pour ainsi dire en nature. Pour ne citer que quelques exemples, la dette du Cap a passé de 25 (chiffre de 1869) à 750 millions de francs : celle du Natal, de 7 à 200 millions ; celle du Canada, de 400 millions à 2 milliards. Ce n’est qu’en leur prêtant sans cesse de nouvelles sommes que la Grande-Bretagne a pu assurer le développement des diverses parties de son empire, qui sont toutes ses débitrices. Elle est aussi créancière d’un grand nombre de pays étrangers, en Europe, en Asie, en Amérique, et elle lire une partie de sa puissance économique de cette situation, qui n’a cessé de se fortifier au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. La guerre actuelle amène un temps d’arrêt : le pays s’est vu dans la nécessité d’aliéner quelques-uns des titres que son épargne avait acquis : nombre de valeurs américaines, notamment d’actions et d’obligations de chemins de fer, ont été rachetées par les Etats-Unis, qui ont même, nous l’avons vu plus haut, souscrit en septembre 1900 une partie des bons de l’Echiquier qu’émettait le Trésor anglais, renversant ainsi les rôles et commençant à constituer l’Amérique créancière de l’Europe et de la Grande-Bretagne en particulier.

Des points noirs surgissent à l’horizon économique de l’Angleterre. Les chemins de fer, tout en ayant réalisé, en 1899 et dans le premier semestre de 1900, des recettes brutes en augmentation sur celles des époques précédentes, ont vu ces excédons dévorés et au-delà par l’accroissement des charges résultant notamment de la hausse du charbon et de celle des salaires : le coefficient d’exploitation s’est élevé de 3 pour 100 et le dividende moyen distribué aux actions ordinaires est descendu de 3 7/8