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placement, ceux-ci se portaient moins sur les rentes publiques. Cette période avait à peu près atteint son apogée vers la fin de 1899. Même si la guerre sud-africaine n’avait pas éclaté à ce moment, il est probable que, dès le commencement de 1900, nous aurions assisté à ce ralentissement de l’activité industrielle dont nous voyons aujourd’hui se dessiner les symptômes : les commandes de matériel de guerre, les besoins de houille pour la navigation ont stimulé, pendant plusieurs mois, sinon l’ensemble de l’industrie, du moins certaines de ses branches. Les événemens de Chine, au printemps et durant l’été de 1900, ont contribué à maintenir cette disposition. Mais l’évolution naturelle du cycle que nous avons décrite ici même, il y a peu de semaines[1], n’en devait pas moins s’accomplir.

Dès l’automne de 1899, les conséquences de la guerre se faisaient durement sentir à Londres : en deux mois, de septembre à fin novembre, le taux d’escompte avait passé de 3 et demi à 6 pour 100, ce qui n’avait pas empêché l’encaisse or de la Banque d’Angleterre de tomber de 850 à 700 millions de francs. Au mois de septembre, les banquiers refusaient de prendre au prix courant du papier à longue échéance, et. les taux du marché libre dépassaient celui de la Banque d’Angleterre ; dans la première semaine d’octobre, celle-ci élevait deux fois le sien, ce qui ne s’était produit que quatre fois depuis trente-trois ans, une fois en 1866 au mois de mai, lors de la faillite fameuse d’Overend Gurney, et trois fois en 1873, lors de la crise violente que les États-Unis d’Amérique traversèrent cette année-là et dont le contre-coup fut d’autant plus violent pour la Grande-Bretagne que celle-ci commanditait alors un plus grand nombre d’entreprises américaines, notamment de chemins de fer. En décembre 1889, si la Banque d’Angleterre n’éleva pas son taux au-delà de 6, celui du marché libre, pour le meilleur papier, atteignit près de 7 pour 100. Au même moment, la Banque impériale d’Allemagne fixait son taux à ce dernier chiffre, et toutes les places financières d’Europe étaient en proie à un malaise dû en partie à la situation de la place de Londres. Cette inquiétude se calma au cours des premières semaines de l’année 1900 et permit aux marchés d’attendre avec plus de sang-froid l’exposé budgétaire du cabinet de Saint-James, qui fut soumis au Parlement un mois plus tôt que

  1. Voyez notre étude Métaux et Charbons dans la Revue du 1er novembre 1900.