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pour deux de nos évêques, Amiens et Gap, je m’aperçus bien vite de l’intérêt qu’il continuait à porter à son ancien diocèse où il avait vécu vingt-cinq ans. Sa Sainteté voulut tout savoir, aussi bien les détails de notre installa lion que mon impression sur Pérouse et sur ses monumens. Le Saint-Père me questionna longuement sur une exposition agricole, très curieuse, du reste, qui y était ouverte à ce moment. Je dus lui parler de tout, hommes et choses, tableaux de maîtres anciens et modernes, et produits industriels. Tout l’intéressait. « Le Pape, ajoutais-je, dans le récit de celle audience, a même conservé jusqu’ici la direction de son ancien diocèse, dont les détails seulement sont confiés à un administrateur. On lui rend compte officiellement de tout ; mais Sa Sainteté comprend que cet état provisoire ne peut durer plus longtemps et son intention serait de se remplacer prochainement lui-même à Pérouse par la désignation d’un nouveau titulaire. »

Le Pape me parla ensuite des deux nouveaux évêques d’Amiens et de Gap, auxquels il serait heureux d’accorder l’institution canonique, après l’entente qui venait de s’établir entre nous, et de Mgr de la Tour d’Auvergne, archevêque de Bourges, dont la mort lui avait causé un vif regret. Il m’en fit un grand éloge, en ajoutant qu’il espérait que la nomination de son successeur ferait également honneur à la France et à l’Église.

Nous parlâmes ensuite du nouveau nonce, sur lequel le Saint-Père s’exprima dans les termes de l’affection et de la sympathie les plus vives. C’est un véritable cadeau que, dans sa pensée, le Pape a fait à la France en nous le donnant. C’est, en même temps, la preuve de l’importance capitale que le Pape attache, en ce moment, à nos affaires religieuses. « Le Saint-Père, écrivais-je à M. Waddington, ne m’a pas dissimulé ses appréhensions ; mais il a bon espoir que les difficultés présentes pourront être aplanies par un esprit de modération et d’équité. Le nouveau nonce a les instructions les plus larges. Il ne repoussera personne et il accueillera tous ceux qui viendront à lui. Les violens seuls auront le droit de le fuir. — Mais la France ne leur appartient pas ; elle est aujourd’hui dans les mêmes conditions que le reste de l’Europe, qui a soif d’apaisement et de concorde. Elle devrait même désirer davantage le repos, ayant été plus éprouvée que d’autres. Le Nonce trouvera dans ces données une base sérieuse et large, sur laquelle le Pape espère qu’il pourra asseoir une politique durable de pacification religieuse.