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puissance que la presse, me dit le Souverain Pontife, et il faut compter avec elle. Ces paroles mont frappé, car elles sont la meilleure démonstration de ce que j’ai eu l’honneur de vous écrire souvent, que Léon XIII est un homme de son temps. Sa prétention est surtout d’éclairer le monde et, bien qu’il ne craignît pas de dénoncer toute erreur avec autant de sévérité qu’aucun de ses prédécesseurs, ce n’est qu’à regret, on le sent, qu’il laisserait tomber de sa bouche des paroles de réprobation et d’anathème. »

Le surlendemain, en effet, le Pape reçut dans la grande salle du Consistoire les représentans de la presse catholique du monde entier. On évalue à un millier environ le nombre des délégués. La presse américaine et la presse anglaise y étaient largement représentées, et c’est au milieu des applaudissemens de cet auditoire très cosmopolite et très nouveau venu au Vatican, en tant du moins que corporation, que le Saint-Père prit la parole. Après avoir remercié les représentans de la presse, venus ainsi de toutes les parties du monde, du concours moral qu’ils donnaient au Saint-Siège, Léon XIII leur montra la route qu’ils devaient suivre et leur traça leurs devoirs. Il leur recommanda la modération, parce qu’avec la violence on n’obtient rien. On ne fait qu’irriter les passions et on rend possible ce qu’on avait l’intention d’empêcher. Le Saint-Père revendiqua très nettement le droit du Saint-Siège de fixer seul les points doctrinaux et de ne pas permettre que des laïcs prissent sur eux de les interpréter sans mandat. Puis il ajouta que, pour maintenir la plénitude de l’autorité doctrinale, il était nécessaire que le Saint-Père jouît de la plus entière liberté, et que cette liberté ne pouvait être efficacement garantie que par la souveraineté temporelle, gage de cette indépendance.

Quelques jours après, à l’occasion de l’anniversaire de son couronnement, le Pape réunit dans une audience générale toute la noblesse ; romaine demeurée fidèle au Saint-Siège, et qui répondit à l’unanimité à son appel. C’était le jour de réception du cardinal Nina pour le Corps diplomatique, et je me trouvai, par hasard, montant l’escalier du Vatican, lorsque tout le patriciat romain en descendait. C’était une véritable foule, et toutes les cours du palais étaient remplies par les voitures et la suite des princes romains. Le Pape profita de cette occasion pour adresser à ses interlocuteurs une allocution dont quelques passages furent très remarqués et méritaient de l’être. Sa Sainteté, après avoir