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compromet la conserva lion. Le sel commun fond d’autant plus facilement à l’humidité qu’il a retenu une plus grande proportion de sels magnésiens déliquescens. Avec le sel pur cet inconvénient est réduit au minimum : c’est le cas pour le produit aggloméré de M. P. Vincent.

Le sel des sebkhas sahariennes est, lui aussi, dans cette condition : il ne contient qu’un minimum de matériaux magnésiens. En revanche, il est mélangé d’une assez forte proportion de sulfate de chaux et de sels terreux.

Le sel livré à la consommation a encore une autre provenance que l’eau de mer : il est fourni, en grande partie, par les mines de sel gemme, répandues dans toute l’Europe. C’est encore du sel marin ; c’est celui des mers anciennes : il s’est déposé, au cours des périodes géologiques, dans des dépressions lagunaires, que le relèvement des rivages avait séparées de la haute mer. L’évaporation lente de l’eau en a amené la précipitation. Ces dépôts, lorsqu’ils ont été préservés de l’action dissolvante des pluies ou des eaux d’infiltration, se sont maintenus ; nous les retrouvons dans les entrailles de la terre, sous les sédimens des époques ultérieures. Cette préservation est le fait d’une enveloppe imperméable, formée d’argiles jaunes et de marnes multicolores, qui a encaissé le gisement salin.

Lorsque cette condition n’a pas été remplie, ou l’a été mal, le dépôt salin a disparu, lentement entraîné par les eaux pluviales dans les roches voisines. Il est parfois arrivé que ces eaux, primitivement douces, mais ultérieurement salées par dissolution du gisement salin, se sont rassemblées, à un niveau plus bas, dans quelque dépression ; de là, la formation de lacs salés, de mares, lagunes, chotts et sebkhas, qui, à leur tour, peuvent subir l’évaporation et fournir des dépôts de seconde main.

C’est précisément là l’origine probable du sel saharien. La mer saharienne, unique, est, comme nous l’avons dit, un mythe. Le Sahara ne représente pas davantage une série de fonds marins d’époques différentes. Les gisemens de Taodenit, d’Agadès et Bilma, ne sont pas les dépôts directs de mers partielles. Ce sont des formations secondaires, des résidus d’évaporation de lacs salés de l’époque actuelle. A leur tour, ces lacs sont continuellement alimentés par les eaux atmosphériques qui s’infiltrent et circulent dans le sous-sol, dissolvant les matériaux des terrains salifères qui le composent.