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Caravanes qui relient cette ville au Maroc. On peut dire que l’importance de cette ville lui vient précisément de sa proximité de ce gisement célèbre. Toute l’année, des chameaux chargés de sel de Taodenit arrivent à Tombouctou. Au printemps et à l’automne cette circulation prend un développement considérable. Les Maures de la région, les Bératich, organisent, alors, avec le secours d’autres tribus nomades deux immenses convois qui comprennent chacun de 3 000 à 4 000 chameaux chargés de sel. Au total, on peut évaluer à 250 tonnes la quantité de cette denrée qui est amenée annuellement à Tombouctou et dispersée de là dans toutes les régions situées vers l’est et le sud, soit par les pirogues et les chalands qui descendent le Niger, soit par les caravanes et les porteurs.

Les Maures prennent, en échange, les produits agricoles de la contrée, des grains, du mil et du riz, du beurre de Karité, du tabac, des étoffes soudanaises, des peaux non tannées. Ils prennent aussi des esclaves qui sont ensuite vendus au Maroc et dans la Tripolitaine. Il paraît évident que si les Maures n’avaient point de sel à offrir, ils ne recevraient pas, en échange, les esclaves du Sahel et du Soudan. Mais on peut concevoir la suppression de ce honteux trafic sans la suppression du sel saharien et des échanges et, en un mot, de toute la vie commerciale dont il fournit la matière. Les tribus limitrophes de nos possessions et qui commencent à accepter notre protectorat sont bien informées que tout esclave devient libre dès qu’il touche notre territoire et que la traite y est prohibée, lue répression efficace est possible, puisque déjà nous surveillons, dans un but fiscal, toutes les routes d’accès des caravanes : il suffit de les fermer à la circulation des captifs.

Taodenit est une ville de quelques centaines d’habitans, Maures et nègres libres ou captifs. Il n’y a point de sel à Taodenit, il n’y a point de gisement. C’est improprement que l’on emploie des désignations de ce genre. Le gisement se trouve véritablement à Taraze, à deux journées plus au nord. L’histoire de ces mines de sel est célèbre. C’est l’histoire même des luttes des Marocains et des Maures contre les sultans et les maîtres de Tombouctou. L’ancien adage : « qui terre a, guerre a, » pourrait se formuler : « qui sel a, guerre ; a. » Dès qu’un peuple, commence à passer de la vie nomade à la vie sédentaire, il a à lutter pour la possession du sel comme pour la possession du sol. On