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pas sensiblement de celle que fourniraient la plupart des autres plantes traitées de la même manière. Il est de règle, comme il a été dit plus haut, que chez tous les végétaux, la potasse soit en grand excès sur la soude ; la proportion normale varie de 30 à 150 de potasse contre 1 de soude : c’est ce qui arrive ici : la quantité de soude est des plus faibles. Les traits caractéristiques de composition offerts par ces plantes seraient donc : l’abondance du chlorure de potassium et la rareté des carbonates.

Ce faux sel a une saveur qui ressemble beaucoup au sel véritable ; mais il laisse après lui l’arrière-goût acre des sels potassiques. Somme toute, il n’est pas décidément mauvais pour un palais européen ; quant aux indigènes, ils le préfèrent à notre sel ordinaire.

Le goût violent de ces nègres africains, sédentaires, agriculteurs, pour cette espèce ; de condiment minéral justifie bien la règle posée par Bunge, d’après laquelle le besoin élu sel est lié aux habitudes agricoles et au régime végétal. Et, si cette appétence se manifeste ici, non point pour le sel véritable, mais pour une sorte de faux sel, la règle n’en est que mieux vérifiée. Bunge va jusqu’à dire que la rigueur de l’observance ; en est poussée jusqu’à l’aberration. Mais on voit bien que, d’un autre côté, la théorie que le chimiste bâlois a imaginée pour expliquer cette règle, se trouve infirmée par le même exemple ; car, ce besoin de sel, d’après Bunge, étant dû à la spoliation de l’organisme en chlorure de sodium ; et celle-ci, à son tour, étant l’effet indirect de la surabondance de la potasse contenue dans les alimens, il ne devrait être possible d’y remédier que par la restitution du chlorure de sodium perdu. Or, ici, le sel de cendres qui apaise ce besoin et lui donne satisfaction est encore un sel de potasse qui ne devrait réussir qu’à l’exaspérer.

L’explication de Bunge n’est donc pas valable. Tout ce qu’enseigne l’expérience ; c’est que le régime végétal exclusif fait naître un besoin, une appétence particulière, qui peut être satisfaite par des substances ayant le goût du sel de cuisine, et contenant soit du chlorure de sodium, soit du chlorure de potassium. C’est, en un mot, un besoin de chlorures, si on le considère ; du point de vue chimique ; ou un besoin de saveur salée, c’est-à-dire d’une espèce particulière de sensation gustative, si on l’envisage du point de vue physiologique.