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VI

A l’époque où Schulze-Delitsch apparut en Allemagne et M. Luzzatti en Italie, il n’existait au-delà du Rhin ni au-delà des Alpes aucun organisme de ce genre. Ils attirèrent naturellement à eux le petit commerce, voire le grand, et leurs banques florissantes ne sont pas plus essentiellement « populaires » que le Crédit « Lyonnais » n’est affecté spécialement au département du Rhône. La preuve, c’est que, dans les statistiques allemandes, figurent nombre d’effets de 125 000 francs chaque ; qu’en Italie, le compte rendu des opérations de la Banque populaire de Milan, la plus célèbre de toutes, comprend une colonne, assez bien remplie, réservée aux traites supérieures à 100 000 francs. Il est très invraisemblable qu’un homme du peuple soit engagé pour 100 000 francs dans une seule affaire.

À ce gros papier, qui gonfle les bilans des mutualités étrangères et laisse dans leur bourse des profits abondans, nos associations françaises ne peuvent prétendre, parce qu’elles arrivent trop tard. Les banques ordinaires l’ont accaparé dans leurs succursales et le retiennent par un bon marché au-dessous duquel la banque populaire ne saurait descendre ; d’autant plus que la force acquise, la notoriété, la richesse, leur confèrent une supériorité invincible sur leurs nouveaux concurrens. Elles-mêmes, ces maisons modernes de crédit, sont de fait « populaires, » quoiqu’elles n’en prennent pas le titre ; elles recueillent et négocient énormément d’effets qui n’excèdent pas 50 francs, lorsqu’ils émanent de petits patrons honorables ; car « un bon débiteur, comme disait Marot, trouve toujours un bon prêteur. »

Il se passe, en matière de banque, ce que j’ai eu précédemment occasion de signaler pour les assurances sur la vie : nombre de sociétés d’assurances par actions sont prospères ; les quatre plus anciennes distribuent à leurs actionnaires, pour un capital originairement versé de 4 millions, un dividende annuel de S millions ; tandis qu’une Mutuelle-Vie, très bien gérée, dont le but est de faire empocher ces dividendes aux assurés eux-mêmes, languit dans une obscurité relative, parce que le public a, dès longtemps, donné à d’autres sa faveur.

Le crédit populaire ne trouve, lui, à glaner dans les villes que