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et le Crédit au travail, mis en faillite en 1868, ne distribua pas plus de 18 pour 100 à ses créanciers.

Un second désastre, presque simultané, acheva de discréditer en France les banques populaires, c’est celui de la Caisse d’Escompte des Associations populaires. Quoique les instigateurs de cette affaire fussent des hommes d’expérience, elle s’exposa aux mêmes périls, commit les mêmes fautes, et eut le même sort. La Banque de France avait réescompté du papier à cette caisse et perdit avec elle beaucoup d’argent, que les administrateurs, dont la bonne foi était entière, furent dispensés, grâce à l’intervention de M. de Rothschild, de rembourser personnellement.

Si la Banque de France, après semblable aventure, est devenue défiante à l’endroit des banques populaires, on ne saurait s’en étonner. Les organismes de ce genre doivent se constituer par en bas, c’est-à-dire par les intéressés eux-mêmes, mettant en commun leurs moyens et leurs responsabilités ; ce principe essentiel fut oublié. On imagina de créer un établissement central avec des capitaux puissans : « L’Empereur, disait le Moniteur du 16 janvier 1866, préoccupé de développer l’esprit d’union dans les classes laborieuses, a invité quelques personnes de bonne volonté à fonder une Caisse des Associations coopératives. »

Elle commença avec un million, dont. Napoléon III avait, fourni la moitié ; à sa tête étaient des hommes pratiques, dont la sagesse vit tout de suite l’extrême danger des opérations qu’on leur proposait de faire. Ces hommes, avant de prêter de l’argent, demandaient des garanties que les ouvriers ne purent pas leur donner. Aussi la caisse ne perdit rien, pour une raison bien simple, parce qu’elle ne prêta jamais rien.

En 1880, se fondait la Caisse centrale de l’Épargne et du Travail, avec l’intention de susciter, dans chaque arrondissement de Paris, une banque populaire qui s’appuierait sur la caisse centrale. La politique et l’agiotage se mêlèrent à l’humanitarisme ; par le choix des membres qui composaient le conseil, le fondateur montrait qu’il comptait sur leurs noms pour décider le peuple à lui confier son argent. Faux calcul : les ouvriers ne vinrent qu’en petit nombre. Pour retenir ceux des sociétaires qui étaient de bons agens électoraux, on leur accordait toute facilité d’accès aux coffres-forts. Telle de ces banques de quartier eut jusqu’à sept administrateurs mis successivement en faillite ; aussi disparurent-elles l’une après l’autre. La Caisse centrale comprit