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principe comme le respect des anciens et de l’autorité. Cinq cents ans avant l’ère chrétienne, il s’est trouvé un homme, Confucius, qui réunissait à un degré éminent les meilleurs traits du caractère national, respect de l’antiquité, amour de la justice, modération, sens pratique. Après avoir été pendant sa vie un conseiller souvent peu écouté, sa mort en a fait le type même de la race, « l’instituteur de toutes les générations, »el, quoique observateur soumis des idées et des formes sociales léguées à son époque par les ancêtres, il a compris assez la variété chinoise de la nature humaine pour que sa doctrine, résistant aux bouleversemens politiques et sociaux, s’applique encore à la famille et à l’individu comme aux jours de sa vie. De là, la fortune de cet homme qui ne s’est donné ni comme dieu ni comme prophète, et qui, depuis plus de deux mille ans, reçoit l’hommage d’une vénération semblable à un culte. Un souverain chinois a rendu au confucianisme un service de premier ordre : deux cent cinquante ans après la mort du maître, à l’heure où sa mémoire encore vivace s’était déjà nimbée de légendes, mais où, de sa doctrine, exposée et déformée par diverses écoles, n’était pas encore né de système capable de la supplanter, Chi-hoang-ti, ayant anéanti la féodalité, fut blâmé par les lettrés disciples de Confucius. A leur interprétation politique de la doctrine il n’eut pas l’esprit d’en opposer une autre plus large et seulement humaine ; il mit à mort les lettrés et brûla leurs livres. Il en résulta qu’à la chute de sa dynastie, qui lui survécut à peine, le confucianisme, qui n’était qu’une morale privée et publique, sans aucun dogme, sans aucun culte, s’était mué en une sorte de religion. Les lettrés en furent les prêtres laïques, les King ou Livres canoniques, recouvrés à grand’peine, en furent la Bible. Mais ces King correspondaient à un état de civilisation oublié par suite de la violence même des convulsions qui l’avaient ruiné ; ils étaient écrits dans une langue archaïque, en caractères anciens, et présentaient des rédactions divergentes ; les lettrés ne furent plus seulement des moralistes continuant la pensée du maître, ils devinrent des philologues étudiant la lettre encore plus que l’esprit, des archéologues cherchant à reconstituer la société antique. Ainsi naquit autour des textes sacrés une littérature exégétique, bien différente des œuvres antérieures, d’esprit plus indépendant ; l’histoire, la poésie, la philosophie, la critique des anciens textes sont issues, plus ou moins directement, de cette source