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demanda à parler au président, de la commission militaire, mais à lui seul. Le président ne crut pas devoir obtempérer au désir du condamné. Il vint le trouver, accompagné du général Colomb et de deux membres de la municipalité.

— C’est trop de monde, objecta Surville.

En réalité, il n’avait rien à dire. Quand il sut qu’il devait être passé par les armes le lendemain matin, il retomba dans son silence et ne s’en départit plus.

Les renseignemens authentiques sur la nuit qui précéda sa mort et sur sa mort elle-même font défaut. Un avis du général Pille au ministre de la Justice porte simplement « que l’ex-marquis de Surville a été fusillée onze heures du matin, en présence de la garnison et de tous les habitans du Puy. » Pour le reste, nous en sommes réduits à des souvenirs oraux qui ne tirent quelque autorité que de leur vraisemblance. D’après ces souvenirs, après avoir accepté les secours religieux d’un prêtre assermenté, les seuls qui eussent pu lui être offerts, il alla très crânement à la mort, en culotte, sans habit, « rose et poudré, » son mouchoir à la main, saluant du geste la foule accourue sur son passage. C’est encore sur la foi de témoignages dépourvus de sanction qu’il faut relater son refus de se laisser bander les yeux et ses dernières paroles aux soldats qui formaient le peloton d’exécution.

— C’est ici qu’il faut frapper, leur aurait-il crié, en mettant la main sur son cœur.

Nous avons dit qu’avant de mourir, il avait écrit quatre lettres. Une seule parvint à sa destination, celle qu’il adressait à sa femme. Elle révèle de quelles préoccupations il était obsédé au moment de quitter la vie. Les poésies de Clotilde de Surville, — son œuvre, — en formaient le principal objet. « Je ne puis te dire maintenant où j’ai laissé quelques manuscrits de ma propre main relatifs aux œuvres immortelles de Clotilde, que je voulais donner au public. Ils te seront remis quelque jour par des mains amies à qui je les ai spécialement recommandés. Je te prie d’en communiquer quelque chose à des gens de lettres, capables de les apprécier et d’en faire après cela l’usage qu’en dictera ta sagesse. Fais en sorte, au moins, que ces fruits de mes recherches ne soient pas totalement perdus pour la postérité, surtout pour l’honneur de ma famille, dont mon frère reste l’unique et dernier soutien. »

Quant aux trois autres lettres, signées : « Lionne, » il n’est dit