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Aussitôt après la constatation de leur identité, on s’occupa d’instruire leur procès. Cette instruction n’était pas difficile. Il eût suffi de quelques minutes pour la mener à bonne fin, si l’on eût voulu s’en tenir contre eux à un seul chef d’accusation. Avec leurs papiers, on avait saisi divers instrumens dont ils s’étaient, croyait-on, servis pour fabriquer de la fausse monnaie. On pouvait donc les condamner comme faux monnayeurs. Mais, soit que les preuves à cet égard ne fussent pas positives, soit qu’on voulût donner à l’expiation de leurs crimes une solennité exemplaire, on ouvrit une enquête à l’effet d’établir un dossier complet au point de vue des charges qui pouvaient leur être imputées. Le passé de chacun d’eux fut de la sorte reconstitué.

Ce qu’on prétendit y avoir découvert n’était pas pour leur attirer la clémence de leurs juges. Joseph Charbonnelle de Jussac était accusé d’avoir fait partie à Lyon d’une bande d’assommeurs. Griefs analogues contre Jean-Baptiste Robert, à la charge duquel on spécifia, par surcroît, qu’il avait poignardé un curé assermenté, après avoir obtenu de ce malheureux un asile pour la nuit, et qu’il était déjà condamné à mort par contumace. Mais on ne trouve nulle part une preuve de ces faits. Quant à Dominique Allier, son dossier était bien autrement chargé. Non seulement plusieurs personnes avaient été l’objet de ses vexations, rançonnées et volées par lui, ou même mises à mort, mais, en outre, il avait figure dans un grand nombre de rassemblemens armés. Il fut prouvé ; qu’il était aux côtés de Saint-Christol, lors de l’invasion par ce dernier de la ville du Pont-Saint-Esprit ; on lui rappela le tragique épisode de Barjac et l’exécution abominable de deux officiers qui n’étaient coupables que de ne s’être pas rendus à sa première sommation.

Pour l’honneur de la mémoire de Surville, il est consolant de constater que les pièces judiciaires ne mettent à sa charge aucun fait analogue à ceux qu’on relevait contre ses compagnons. S’il était coupable d’avoir conspiré contre la République, ainsi que le prouvaient les papiers saisis avec sa personne, on ne découvrait nulle part qu’il eût tué ou volé, ni même que ses projets « liberticides » eussent reçu un commencement d’exécution. L’affirmation, émise par lui dans des manifestes, qu’il était délégué dans le Midi par Sa Majesté ; Louis XVIII ne prouvait pas que ces manifestes eussent été répandus ; de même, les appels aux armes qui devaient être adressés à « la brillante jeunesse » des