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auront embrassé sa cause. Quant à ceux qui refusent de s’y rallier, gare à eux.

L’exaltation des meneurs royalistes ne se traduisait pas seulement par ces mensonges et ces vantardises. Les exactions reprirent de plus belle. On ne saurait énumérer les coups de main, les attaques, les meurtres que signalent les documens officiels. Un jour, c’est une émeute qui éclate à Toulouse et qui met aux prises la garnison avec ce que compte de plus fameux le personnel des rebelles. Un autre jour, c’est Lamothe qui marche sur le Pont-Saint-Esprit, où il s’est assuré des relations ; il s’empare de la citadelle, ne la garde que quelques heures et l’abandonne, non sans avoir répandu l’épouvante dans la petite ville qui s’est crue au moment d’être mise à feu et à sang. L’année suivante, c’est un autre partisan, Saint-Christol, qui la reprendra et ne s’en laissera déloger qu’à coups de canon. S’emparer des villes et des faubourgs qu’on sait dépourvus de troupes et y rester le temps de lever des contributions sur les habitans les plus riches, telle paraît être, sans parler des assassinats qui se multiplient, la tactique à l’aide de laquelle « on tiendra le pays en haleine. » Les généraux attachés aux 9e et 10e divisions militaires que commande Châteauneuf-Randon sont sur les dents, se plaignent de manquer de troupes. Châteauneuf-Randon, pour se rapprocher du théâtre le plus ordinaire des émeutes, transporte son quartier général de Montpellier aux Vans dans l’Ardèche. Mais il n’est pas plus heureux que ses lieutenans. Sa présence n’empêche rien. On vient le braver jusque dans la maison, qu’il habite. Le général Frégeville l’avertit qu’il ait à se bien garder, Dominique Allier ayant déclaré qu’il l’enlèverait.

Encore un homme terrible, celui-là. Sa tête est mise à prix ; trois mille francs sont promis à qui le livrera mort ou vivant. Apprenant qu’un maire a fait proclamer la promesse dans sa commune, il se présente un soir chez lui :

— Voici ma tête, je te la livre ; paye ! Et le maire est contraint de lui compter les trois mille francs. Dominique Allier se retire en disant : — Tout bien réfléchi, je reprends ma tête ; mais je garde l’argent.

Le 18 avril, il commet un acte de brigandage bien autrement tragique. Etant parvenu à réunir une bande de deux cents hommes, il part le soir avec eux de Saint-Paul-Trois-Châteaux, où il leur avait donné rendez-vous. Il marche toute la nuit et, le