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je blâme certainement la conduite à tous égards. Je ne le connaissais que pour avoir été en 1792 dans mon armée, où il ne fit ni bien ni mal. Je l’avais absolument perdu de vue, quand il m’écrivit, au mois de mai dernier, qu’il avait un parti avec lequel il comptait soutenir la cause du Roi. Je lui répondis, au commencement de juin, que c’était fort bien fait. — et je ne pouvais guère lui répondre autrement, — mais qu’il ne fallait rien de partiel ; qu’on ne ferait que des victimes ; et que c’était le moyen de reculer au lieu d’avancer ; que, de plus, je ne lui donnais aucun ordre puisqu’il me mandait avoir reçu ceux du Roi, alors régent, et qu’il n’avait qu’à les suivre. Il me récrivit ; je ne lui répondis plus. J’étais averti de ne pas me lier à lui. Il vint à Mulheim, où il vit Wickham, à qui je dis de prendre garde que ce pouvait être un homme dangereux, s’il n’avait quelque satisfaction, et Wickham l’autorisa à aller servir sous Chavannes. Il n’y avait que cela à faire ou le faire arrêter.

« Pour Lamothe, je ne lui ai pas donné la plus petite mission. Je n’ai même pas eu ses confidences. C’est à regret que je lui ai donné un passeport, craignant l’usage qu’il en ferait. »

Tandis que s’échangeaient ces correspondances qui eussent assurément refroidi son zèle, si elles fussent tombées entre ses mains, Lamothe, après un rapide séjour en Suisse, revenait dans la Haute-Loire, mécontent d’avoir été éconduit et résolu à se procurer par d’audacieux coups de main les fonds qu’on lui refusait dans l’entourage des princes. Il tenta de faire une levée de troupes, recruta quelques hommes, forma un camp au Pertuis près d’Yssengeaux, et commença à rançonner les communes environnantes. Mais sa bande, à sa première rencontre avec les gardes nationaux et les gendarmes, lâcha pied et se dispersa. Il n’eut que le temps de se jeter dans les bois, d’où il se dirigea vers le Vivarais.

Là, il trouva le marquis de Surville, le baron de Saint-ChrisloI, Dominique Allier, le chevalier de Rochemaure, le chevalier de la Lune et, pour tout dire, l’état-major de l’insurrection. Faute de ressources et par suite des mesures plus rigoureuses prises par le gouvernement, depuis qu’avait été découvert le complot de Bésignan, ce personnel, ne pouvant entreprendre de grandes choses, était immobilisé. L’arrivée de Lamothe lui rendit quelque activité. Cet ancien officier apportait un plan dont l’exécution semblait facile et permettrait tout au