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Les Grecs eux-mêmes ont-ils inventé de plus joli mythe ? Mais ce sont surtout trois ou quatre sonnets qui ont perpétué le nom de la Belle Cordière. Il n’en faut pas davantage à un poète pour s’inscrire à jamais dans l’histoire d’une littérature ! et quand ce poète est une femme, et une femme qui aime, je ne sais s’il ne suffirait pas d’un seul.
- Tout aussi lui que je commence à prendre
- Dans le mol lit le repos désiré,
- Mon triste esprit, hors de moy retiré
- S’en va vers toy incontinent se rendre.
- Lors m’est avis que dedens mon sein tendre
- Je tiens le bien, ou j’ay tant aspiré
- Et pour lequel si haut j’ay soupiré
- Que de sanglots ay souvent cuidé fendre.
- O doux sommeil, ô nuit à moy heureuse,
- Plaisant repos, plein de tranquillité,
- Continuez toutes les nuiz mon songe,
- Et si jamais ma poure âme amoureuse,
- Ne doit avoir de bien en vérité
- Faites au moins qu’elle en ait en mensonge ![1]
On conte que la fortune fut clémente à « sa pauvre âme amoureuse ; » et, sans essayer ici de surprendre, après trois cent cinquante ans écoulés, le secret de son bonheur, on peut dire du moins que, rarement, la reconnaissance de ces plaisirs mêlés de larmes qui sont quelquefois tout l’amour, se traduisit en termes d’une mélancolie plus passionnée.
- Tant que mes yeus pourront larmes espandre
- A l’heur, passé avec toy, regretter
- Et qu’aus sanglots et soupirs résister
- Pourra ma voix et un peu faire entendre ;
- Tant que ma main pourra les cordes tendre
- Du mignard Lut, pour tes grâces chanter ;
- Tant que l’esprit se voudra contenter
- De ne vouloir rien fois que toy comprendre ;
- ↑ L’orthographe est celle de la réédition de 1853, Paris, Simon Raçon.