Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 162.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres des légations pouvant se diriger vers la côte, aussi bien que des troupes pouvant monter vers la capitale. Nous ne nous faisons pas grande illusion sur la valeur pratique du deuxième paragraphe ; toutefois, dans l’ensemble, c’est là un programme acceptable de réparations et de garanties pour l’avenir.

Mais comment obtenir que les Chinois acceptent les conditions que nous voulons leur imposer et devant lesquelles on ne peut s’étonner qu’ils regimbent un peu ? Ici, les esprits ont été d’abord assez divisés : les uns pensaient qu’il fallait avant tout, presque à tout prix, ramener la Cour impériale à Pékin, après quoi elle serait beaucoup plus traitable. C’était en particulier l’opinion des hommes et des gouvernemens qui désirent en finir au plus vite ; d’où la proposition russe d’évacuer Pékin. Si ce projet avait prévalu, n’eût-il pas été à craindre que, dans cette évacuation suivant le respect montré au palais impérial, l’orgueil enraciné des Célestes ne vît une véritable victoire sur les Barbares du dehors ? On dira peut-être que, de toute façon, les mandarins s’arrangeront pour inculquer cette idée au populaire, qui l’acceptera aisément. Ne circule-t-il pas déjà, à Canton et ailleurs, des papiers où il est dit que les étrangers ont été exterminés par l’armée chinoise, qu’il n’en reste plus qu’un petit nombre, lesquels demandent la paix, et que l’impératrice, dans sa générosité, examine à quelles conditions elle peut la leur accorder ? Il faut, allègue-t-on, prendre son parti de ces fables, si irritantes puissent-elles être, pourvu que le gouvernement, lui, soit convaincu de la puissance et de la victoire des Européens. Seulement, est-on bien sûr qu’il en soit convaincu ? Sans doute quelques grands mandarins qui ont été en contact fréquent avec les Européens se font moins d’illusions que leurs compatriotes. La preuve en est dans la prudente conduite des vice-rois du Yang-tse durant la présente crise, dans les efforts qu’ils ont faits pour maintenir, — et en somme avec succès, — la paix dans leurs provinces. Mais n’en est-il pas autrement de la Cour, des princes mandchous, des lettrés ultra-réactionnaires, peu familiers avec les étrangers, qui entourent l’impératrice et de l’impératrice elle-même ? Ces gens-là sont aussi ignorans et plus imbus de leur supériorité que l’homme du peuple. Ils auraient fort bien pu se tromper eux-mêmes sur les causes de l’évacuation de Pékin, si elle avait eu lieu. Et d’ailleurs, auraient-ils eu tellement tort de voir une victoire dans cette retraite de l’Europe vers la mer ? Ce n’est certes