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les représentans des puissances convoquées l’année dernière à la Haye se sont réunis, il y a quelques semaines, pour déposer les actes de ratification, elle s’est abstenue. Le Céleste-Empire a fait preuve, en cette circonstance, d’une certaine bonne foi. Pouvait-il promettre, en vérité, d’employer les prisonniers de guerre, comme travailleurs, selon leur grade et leurs aptitudes ? de ne pas les soumettre à des travaux excessifs ? de payer les travaux qu’ils feraient pour l’Etat d’après les tarifs en vigueur pour les militaires de l’armée nationale ? de traiter ces captifs, pour la nourriture, le couchage et l’habillement, sur le même pied que ses propres troupes ? Pouvait-il et voulait-il renoncer à l’usage de tuer ou de blesser par trahison les combattans de l’armée ennemie ? de tuer ou de blesser l’ennemi qui, ayant mis bas les armes ou n’ayant plus les moyens de se défendre, se serait rendu à discrétion ? d’employer des armes, des projectiles ou des matières propres à causer des maux superflus ? d’épargner autant que possible, à l’avenir, les édifices consacrés au culte et les hôpitaux ? pouvait-il renoncer au pillage ? abdiquer l’habitude invariable de continuer les opérations de guerre après la conclusion d’un armistice, alors même qu’il prétend, comme aujourd’hui, contraindre ses adversaires à cesser toutes les opérations militaires pendant l’armistice ? Décidés à méconnaître les lois et coutumes des peuples civilisés, les Chinois ne peuvent pas exiger qu’on les leur applique. Ils se placent eux-mêmes, après comme avant la Conférence de la paix, hors le droit de la guerre.

C’est pourquoi les Japonais ne voulurent pas, pendant la guerre de 1894-1895, contracter l’obligation d’appliquer aux malades et aux blessés chinois la convention de Genève du 22 août 1864[1].

C’est pourquoi les Français n’eurent pas de réponse à donner, quand le Céleste-Empire leur reprocha, cette année même, de lancer sur ses campemens des obus à la mélinite.

C’est pourquoi la Chine n’a pas qualité pour débattre la légitimité de représailles qui seraient exercées par une puissance signataire de la déclaration relative aux lois et coutumes de la guerre. Depuis que la Conférence de Bruxelles, en 1874, refusa d’examiner la section IV du projet russe soumis à ses délibérations, laquelle traitait des représailles, plusieurs jurisconsultes

  1. En fait, ils soignèrent généreusement dans leurs hôpitaux les Chinois blessés et malades. Voyez l’ouvrage précité de M. Nagao Ariga, chap. IX et X.