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ministre de France, obtient enfin que l’église soit reconstruite ; les ossemens des victimes y sont transportés ; les mots Tje-Kien (par ordre de l’Empereur) sont inscrits sur une grande stèle en marbre blanc. Mais les Boxers se soucieront aussi peu de la stèle que du Tje-Kien : pour fêter l’anniversaire du premier incendie, ils brûleront, dans la nuit du 15 au 16 juin 1900, l’église reconstruite.

Dès 1891, une lettre de Mgr Chatagnon, vicaire apostolique du Su-tchuen méridional, annonçait que les sociétés secrètes, après avoir gardé longtemps une neutralité presque bienveillante envers les chrétiens, s’alliaient décidément contre eux au mandarinat et marcheraient désormais à l’avant-garde des persécuteurs[1]. Une ère nouvelle de crimes internationaux va s’ouvrir en 1892 : une résidence de missionnaires est envahie dans le nord-ouest du Chen-si septentrional ; des catéchistes sont torturés, deux néophytes lapidés, le franciscain anglais Hugo Schablal blessé grièvement ; dans le Su-tchuen occidental, une troupe de Chinois tue à coups de bâton un converti qui secondait efficacement la propagande chrétienne[2]. En 1894, cinq chrétiens indigènes sont perfidement assassinés à Tan-chung (préfecture apostolique de Kouang-ton) ; quand on porte plainte au chef des notables, il se contente de dire aux meurtriers : « Achevez les blessés et brûlez les cadavres[3]. » Il faut lire dans une lettre de Mgr Chatagnon (19 août 1895) le récit des déprédations et des massacres qui ensanglantèrent le Su-tchuen méridional : les brigands furent déchaînés par le vice-roi lui-même et détruisirent d’abord seize églises et résidences de missionnaires, un grand orphelinat de filles, un séminaire, des hôpitaux, des pharmacies, des maisons de chrétiens, puis, prenant goût à la besogne, finirent par rançonner les plus riches païens. M. Gérard, notre ministre, adressa des réclamations énergiques au gouvernement central et finit par obtenir pour les chrétiens du Su-tchuen méridional et du Su-tchuen occidental une indemnité de 4 millions[4].

L’horizon s’assombrit encore à partir de 1896. Il faut signaler, d’une part, l’atroce persécution du Hou-pé septentrional[5], de

  1. Annales, 1892, p. 81.
  2. Ibid., 1893, p. 149 et 389.
  3. Ibid., 1895, p. 188.
  4. Ibid., 1895, p. 471 et 1896, p. 15.
  5. Ibid., 1897, p. 313.