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vain les traités de Tien-tsin autorisaient-ils formellement les sujets anglais et français à circuler librement dans le voisinage immédiat des ports ouverts[1] : les Européens, après comme avant la signature de ces conventions, étaient étroitement parqués dans ces ports : sauf à Changhaï, où l’administration chinoise leur avait permis d’établir, en dehors des concessions, des routes prolongées pendant quelques milles, ils ne pouvaient sortir que par de tortueux sentiers, où deux personnes pouvaient à peine passer de front ; et le séjour des ports ouverts, M. P. Giquel le reconnaît lui-même, devenait ainsi bien plus pénible. Les journaux ont annoncé, non sans vraisemblance, dans la première quinzaine d’octobre, qu’un certain nombre dédits impériaux publics, accordant quelques satisfactions aux puissances, étaient infirmés par des édits secrets. On va quelquefois jusqu’à modifier le texte d’un contrat synallagmatique à l’aide d’un simple règlement adressé par le gouvernement central aux vice-rois ; la Chine reconnut elle-même avoir ainsi dénaturé une convention conclue le 20 février 1865 entre M. Berthemy et le Tsong-li-Yamen ; mais elle mit trente ans à se rétracter (Voyez la lettre de M. Gérard à M. Hanotaux, du 30 avril 1895).

Quand on reprochait aux Chinois cette exécution déloyale ou défectueuse des traités, ils alléguaient que la Chine « les avait signés le couteau sur la gorge, sans trop savoir à quoi elle s’engageait[2]. » L’Europe avait plusieurs réponses. D’abord, une convention de paix, comme celles de Nankin (1842), de Whampoa (1844), de Pékin (octobre 1860), est signée nécessairement entre un vainqueur et un vaincu ; celui-ci, pour obtenir la paix, doit subir certaines conditions et ne peut en invoquer la rigueur pour se soustraire à leur accomplissement. S’il en était autrement, on négocierait, à l’heure actuelle, pour ne rien faire, et la convention qu’on prépare serait un simple chiffon de papier. Ensuite, quelques-uns de ces traités, — celui de Whampoa, par exemple, — furent souscrits par la Chine dans la plénitude de son libre arbitre et de sa bonne volonté[3]. En outre, les différens pactes conclus avec la Chine furent mûrement examinés et débattus, en général, avec un soin minutieux, la correspondance

  1. Art. 8.
  2. Article du marquis Tsing, dans l’Asiatic Quarterly du 1er janvier 1887.
  3. Le rapport de M. Dureau de Vaulcomte à la Chambre des députés, du 16 juin 1888, contient à ce sujet de curieux détails.